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Dans les entreprises
Groupe Doux : Un patron qui a les moyens de payer
Le 1er août, le tribunal de commerce de Quimper a décidé la liquidation du pôle frais du groupe volailler Doux. Le 10 septembre, 1 704 salariés perdront donc leur emploi si aucun repreneur n'est retenu. Pour les 4 200 salariés des autres sociétés du groupe, la « période d'observation » commencée début juin, quand le groupe s'est placé en redressement judiciaire, est prolongée et leur sort sera rediscuté le 9 octobre. Le PDG Charles Doux a eu le culot de se féliciter de cette décision, alors que rien n'est réglé.
En tout cas, quels que soient les repreneurs retenus, le consortium Sofiprotéol ou le PDG Charles Doux allié à la banque anglaise Barclays étant apparemment les mieux placés, les emplois de centaines de travailleurs sont menacés. Avec l'offre Sofiprotéol 1 117 emplois seraient supprimés et avec celle du PDG à peine une centaine de moins. Et c'est sans parler des conséquences pour les 800 éleveurs qui travaillaient pour Doux, pour les salariés des sociétés de transport, ceux des fournisseurs et de la sous-traitance. Le chiffre de 10 000 emplois menacés au total a été avancé.
Aujourd'hui, Doux se déclare endetté à hauteur de 430 millions d'euros. Mais pendant des années il a fait des profits substantiels, avec un chiffre d'affaires de 1,4 milliard d'euros en 2010, et on en avait même fait un exemple d'une belle réussite industrielle, celle d'une petite entreprise familiale devenue le n°1 européen de la volaille et le premier exportateur mondial, faisant travailler 9 800 personnes dans le monde.
Ces résultats n'étaient pas dus au talent d'un capitaine d'industrie, mais à la surexploitation sans faille des ouvriers et des éleveurs et aux aides publiques, notamment celles de l'Union européenne. Doux a touché près de deux milliards d'euros de subventions européennes en une quinzaine d'années, en obtenant toute sortes d'aides, de l'exportation des viandes de volaille à la subvention aux aliments du bétail, etc.
Le « succès » de Doux c'est aussi la mise en place d'un « contrat d'intégration » avec les éleveurs. Doux leur fournissait les poussins et les granulés, et ils livraient des poulets au bout de quarante jours. Et, pour faire encore plus d'argent, Doux n'hésitait pas à entasser les poulets. En 2007 il avait été condamné, après que les services vétérinaires ont découvert dans dix de ses élevages 28 880 volailles, quand les bâtiments étaient prévus pour 20 000. Et au final l'éleveur devait s'estimer heureux d'être payé 17 centimes d'euro le kilo de poulet livré.
Quant aux employés des abattoirs et des usines de Doux, près des quatre cinquièmes sont payés au smic et ce n'est qu'au bout de quatre ans de réclamations que Doux avait accepté de payer la demi-heure de pause quotidienne. C'est sans parler des conditions de travail dans le froid sur les chaînes d'abattage. Quant aux usines du Brésil rachetées en 1998, le salaire mensuel n'y dépassait pas les cent euros. Et c'est sans parler des 2 000 emplois supprimés dans le groupe depuis dix ans, sous prétexte de restructurations.
Poulets entassés, éleveurs pressurés, salariés surexploités : voilà la recette de la réussite de Doux et la source de ses profits. Et la réussite n'était pas qu'industrielle, puisque la fortune personnelle de Charles Doux était estimée en 2011 à 330 millions d'euros. C'est sur cet argent qu'il faut prendre pour sauver les emplois et maintenir les salaires des salariés de Doux et de tous les sous-traitants.