Paradis fiscaux : Le PDG de Total ne mange pas de ce pain-là !07/06/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/06/une2288.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Paradis fiscaux : Le PDG de Total ne mange pas de ce pain-là !

Le PDG de Total, Christophe de Margerie, vient d'être auditionné par une commission du Sénat qui enquête sur l'évasion fiscale. Le groupe Total, s'il paye 14 milliards d'euros d'impôt dans le monde, ne verse en effet que 300 millions au fisc français. S'il a admis que quarante-huit filiales de son groupe sont présentes dans des paradis fiscaux, il a nié que ce soit pour profiter de leurs avantages.

Pour sa défense, le PDG de Total a expliqué que, si ces quarante-huit filiales sont dans des pays où « la fiscalité est deux fois moins importantes qu'en France », quarante-deux d'entre elles réalisent « une activité économique réelle, industrielle et commerciale ». Cela en laisse six dont les activités ne sont ni économiques, ni réelles, ni industrielles ni commerciales. Mais quelles sont-elles ? Margerie balaie l'interrogation et assure que son groupe reverse pour ces six-là l'équivalent de ce qu'il paierait si elles étaient en France.

Les sénateurs sont prêts, semble-t-il, à le croire sur parole. Mais il y a pour le moins doute. Margerie insiste pour dire que la grande majorité de ses filiales dans des paradis fiscaux ont une activité réelle. Par exemple, celles de Jersey ou de Hong-Kong y distribuent des lubrifiants. Soit. Mais un économiste, Robert Lipsey, cherchant l'origine de l'augmentation des profits des multinationales américaines, avait comparé les profits affichés et le nombre d'employés présents sur place dans les filiales. Pour les années 2000 il avait découvert, pour un taux moyen de profit de 84 % dans le monde, qu'il était de 160 % en Suisse, 660 % en Irlande et 3 500 % aux Bermudes et à la Barbade !

Margerie a aussi admis que son groupe dispose de « trusts », des structures juridiques très opaques qui sont une autre source de profit. En effet elles permettent de domicilier des biens immatériels : brevets, copyrights ou droits d'utiliser tel logo. Ces services immatériels ont pris une part croissante dans la valeur des entreprises et sont très lucratifs. Ils sont eux aussi l'objet des « prix de transfert » qui permettent, grâce à la domiciliation dans les paradis fiscaux, des échanges étonnants, comme importer du sable à 2 000 dollars la tonne quand il vaut 10 dollars sur le marché mondial ou, à l'inverse, importer des pneus à 8 dollars quand ils en valent normalement 200. À chaque fois, il s'agit d'un côté de payer un minimum d'impôt et de l'autre d'engranger un maximum de profits.

Bien sûr, le patron de Total dira qu'il ne mange pas de ce pain-là. C'est pourtant le même Margerie qui est poursuivi, en tant que représentant de Total, pour une affaire de corruption dans le cadre du programme de l'ONU « pétrole contre nourriture », qui permettait à l'Irak de Saddam Hussein d'échanger du pétrole contre des denrées et des médicaments pendant la période de l'embargo américain des années 1990. Total est soupçonné non seulement d'avoir versé des commissions occultes pour obtenir des marchés pétroliers, mais aussi d'avoir contourné l'embargo pour augmenter sa part de brut en utilisant des sociétés écrans.

Cette affaire, qui doit être jugée en 2013, suggère que les dirigeants de Total connaissent toutes les ficelles pour arriver à leurs fins. On suivra donc avec intérêt les explications de ce grand patron, qui installe des dizaines de filiales dans des paradis fiscaux mais n'utilise pas les avantages qui vont avec...

Partager