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Dans le monde
Grande-Bretagne : Pour la reine et la patrie, serrez-vous la ceinture !
Toute la classe politique britannique aura assisté avec une belle unanimité aux quatre jours de célébrations carnavalesques en l'honneur des soixante ans de règne de la reine d'Angleterre (le « jubilé de diamant »). Il faut dire que la décision et la planification de ces événements étaient l'oeuvre du précédent gouvernement travailliste, et le gouvernement Cameron n'allait pas revenir dessus !
Évidemment, le coût réel de cette célébration quelque peu grotesque n'est sans doute qu'une goutte d'eau dans l'océan du gâchis causé par la crise. Mais la première réaction d'un grand nombre de travailleurs a quand même été, à juste titre, de demander pourquoi l'austérité ne s'appliquait pas à la famille royale.
Selon les chiffres officiels, un million de badauds venus de tout le pays se seraient pressés (sous la pluie) pour assister au clou de ces quatre jours : le défilé sur la Tamise d'un millier d'embarcations décorées pour la circonstance. Les chiffres paraissent peu vraisemblables, mais admettons.
Ce qui est sûr c'est que, si dans les petites villes et villages les conservateurs aidés par leurs municipalités semblent avoir réussi à organiser des festivités en l'honneur de la reine, ce n'a pas été le cas à Londres. Contrairement à une vieille tradition, seules quelques très rares fenêtres et voitures arboraient des fanions aux couleurs britanniques. Aujourd'hui, dans ce domaine, la royauté fait bien moins recette que la coupe du monde de football !
Il est vrai qu'un grand nombre de travailleurs londoniens avaient quelques raisons de ne pas trouver tout ce cérémonial très réjouissant. Car si les politiciens avaient prévu pour l'occasion deux jours fériés, le lundi et le mardi, pour des millions de travailleurs précaires cette « générosité royale » s'est traduite soit par une perte sèche de salaire, soit par l'obligation de récupérer les jours fériés sans majoration, voire par la perte d'une semaine de salaire dans les entreprises qui ont profité de l'occasion pour décréter une semaine de chômage technique. Quant à ceux qui, faisant mauvaise fortune bon coeur, ont voulu se rendre à Hyde Park, le plus grand parc de Londres, où étaient annoncées des animations pour les enfants, ils ont eu la mauvaise surprise de se voir réclamer 60 euros pour entrer dans un endroit normalement public mais... propriété de la reine.
Cela étant, l'objectif principal de cette grand-messe prétendument populaire, et du battage médiatique incessant marqué d'un chauvinisme strident qui l'a accompagnée, était avant tout de renforcer l'illusion d'une « nation » unie derrière la monarchie, supposée être, c'est bien connu, au-dessus de choses aussi triviales que la lutte des classes, et plus encore au-dessus de la crise avec ses licenciements, ses baisses de salaire et la montée de la pauvreté qu'elle entraîne.
Car, même si le niveau des luttes reste bas, en grande partie grâce à l'absence d'initiatives de la part des appareils syndicaux, le gouvernement Cameron et le patronat ont quand même bien du mal à faire avaler aux travailleurs le mythe du « Nous sommes tous dans la même galère » pour leur faire accepter de se serrer la ceinture. On a donc sorti la reine de son placard doré pour redonner un peu de crédit à ce mensonge. Mais, de là à ce que la classe ouvrière britannique tombe dans le panneau, c'est une autre affaire.