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- Lutte ouvrière n°2276
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Dans les entreprises
Toulouse : L'explosion d'AZF devant la justice - quatre mois de procès, pour exonérer Total ?
Vendredi 9 mars, au bout de quatre longs mois d'audiences, c'était le réquisitoire du procès en appel de l'explosion de l'usine AZF Grande-Paroisse de Toulouse il y a onze ans, en septembre 2001. Comme en première instance, les experts judiciaires ont expliqué comment un mélange de produits incompatibles a provoqué cette terrible catastrophe qui a fait 31 morts, des milliers de blessés et dévasté des quartiers.
Une nouvelle fois, la commission d'enquête interne de Total, dont dépendait l'usine, a été mise en cause et accusée d'avoir effacé les preuves.
Pendant les quatre mois du procès, le groupe Total a utilisé ses immenses moyens pour tenter de s'exonérer de ses fautes. C'est ainsi qu'il fait citer comme témoin l'ex-juge Bruguières, qu'il rémunère comme expert à hauteur de 100 000 euros par an, pour entretenir les rumeurs douteuses sur une absurde piste terroriste. On a pu voir aussi une kyrielle de scientifiques venir à la barre monnayer leur prestige pour tenter de dédouaner le groupe Total.
Dans leur réquisitoire, les deux procureurs ont rappelé qu'une relaxe générale avait été prononcée en première instance, « faute d'une preuve formelle ». Ils ont alors estimé que cette preuve formelle n'était pas nécessaire, parce qu'il existait un lien de causalité indirect entre les dommages et les fautes des prévenus, la direction de l'usine.
Si un maçon tombe d'un échafaudage, peut-être ne saura-t-on jamais pourquoi. Un lacet défait, un faux mouvement, une bourrasque de vent, un évanouissement, tout est possible. Mais si l'échafaudage n'avait pas de garde-corps, ou si le maçon n'avait pas le harnais obligatoire, cela suffit à condamner son employeur. C'est ce qui s'appelle un lien de causalité « indirect ». Alors, ce qui s'applique pour un petit patron devrait pouvoir aussi s'appliquer pour le premier groupe industriel français.
Mais, après la démonstration de la culpabilité de la direction de Grande-Paroisse, sont venues les réquisitions. Et là changement radical de ton, on a atteint les limites que la loi s'impose vis-à-vis des employeurs. D'abord il serait impossible d'atteindre le groupe Total, parce que sa filiale Grande-Paroisse en est complètement séparée juridiquement... Eh oui, les filiales c'est fait pour !
Contre le directeur de l'usine au moment des faits, les procureurs ont demandé dix-huit mois de prison avec sursis et 15 000 euros d'amende. Contre Grande-Paroisse, c'est l'amende maximum qui est requise : 225 000 euros. Les profits déclarés de Total pour l'année 2011 pourraient lui permettre de payer 50 000 amendes de ce montant ! C'est dérisoire, ridicule, c'est presque l'euro symbolique.
Pour les sinistrés et les salariés qui se sont levés contre Total, il reste encore l'espoir que Grande-Paroisse soit condamné pour le principe, lors du délibéré qui sera rendu en septembre. Mais il faudra bien autre chose que ces procès spectacles pour empêcher de nuire ces industriels qui, au nom de la rentabilité et du profit, risquent tous les jours la vie des ouvriers et de la population.