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- Lutte ouvrière n°2266
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Leur société
Coopératives ouvrières : La gestion d'une entreprise et celle de toute l'économie
La lutte des travailleurs de SeaFrance pour leur survie a remis les Scop, autrement dit les sociétés coopératives ouvrières de production, et depuis 2010 les sociétés coopératives et participatives, dans l'actualité. Mais ce que Sarkozy, dans sa fièvre préélectorale, fait mine de découvrir aujourd'hui, les travailleurs le connaissent depuis longtemps : quand le patron s'en va avec la caisse, pourquoi ne pas essayer de faire tourner la boutique entre ouvriers ?
Bien des travailleurs ont tenu ce raisonnement et montré qu'ils ne se débrouillaient pas plus mal que les patrons, qu'ils étaient capables de produire, de réinvestir les bénéfices, de se verser des salaires corrects, et se passaient très bien de verser des dividendes à des actionnaires inconnus. C'est ce qu'ont fait les ouvriers de la Verrerie ouvrière d'Albi en 1896, alors conseillés par Jean Jaurès, et les ouvriers de LIP il y a quarante ans. C'est ce que font aujourd'hui les salariés de multiples petites entreprises que la crise actuelle ou leurs propriétaires avaient mis en faillite. De tentatives menées au début par des militants ouvriers socialistes, les coopératives sont devenues depuis longtemps des Scop, c'est-à-dire des entreprises dotées d'un statut juridique et légal. Pourtant, aujourd'hui comme hier, la coopérative ouvrière peut rester un moyen de défense, parmi d'autres, pour les travailleurs menacés d'être jetés à la rue.
Cependant, en restant dans le cadre de l'économie capitaliste, la constitution de coopératives ouvrières ne peut pas être une solution d'ensemble. Il y a bien sûr l'obstacle de la taille : les coopératives ouvrières qui perdurent sont en général petites, voire très petites, et dotées d'une production très spécifique. Écouler les montres LIP est une chose, commercialiser le carburant d'une raffinerie en serait une autre.
Mais l'obstacle est surtout le système capitaliste lui-même. En effet les Scop restent des entreprises soumises à la concurrence et aux lois du marché : la meilleure Scop du monde ne peut rien en cas de krach financier, d'effondrement général ou même tout simplement de rétrécissement de la demande existant pour sa production.
On ne peut que comprendre les travailleurs de SeaFrance ou d'autres entreprises qui, face à la démission de leur patron et à l'absurdité du système, se disent qu'après tout mieux vaut se donner les moyens de gérer eux-mêmes l'entreprise. Surtout, à l'échelle de leur entreprise, ils peuvent se trouver sans autre solution, car c'est cela ou la perte de leur emploi.
La seule véritable solution coopérative est que l'ensemble de l'économie soit géré et contrôlé par l'ensemble des travailleurs, dans leur intérêt et dans celui de toute la collectivité. C'est hors de portée des travailleurs d'une seule entreprise. Mais c'est ce programme, celui de l'expropriation des capitalistes, de la planification de l'économie et de sa gestion par les travailleurs eux-mêmes, qu'il faut mettre à l'ordre du jour.