Aéroport de Roissy : Après la grève des agents de sûreté06/01/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/01/une2266.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Aéroport de Roissy : Après la grève des agents de sûreté

Des profits au mépris des travailleurs

La récente grève des agents de sûreté a révélé la situation de ces salariés travaillant pour un salaire dérisoire et ne bénéficiant même pas du minimum, ne serait-ce que de locaux de repos décents.

La sûreté concerne les passagers, et se distingue de la sécurité, qui concerne le matériel. La partie visible de cette activité, ce sont les contrôles des passagers et des bagages à main avant qu'ils ne pénètrent dans les avions. Mais c'est aussi la sécurisation des locaux, le gardiennage des avions la nuit, entre deux rotations, ou durant les opérations de nettoyage, approvisionnement, etc.

Des sociétés au-dessus des lois

Les sociétés de sûreté spécialisées dans ces tâches s'embarrassent peu des lois, qu'il s'agisse des locaux mis à la disposition du personnel, des amplitudes de travail ou des plannings. Lors des conflits, et celui de décembre n'a pas fait exception, il est tristement habituel de les voir tenter de briser les grèves en remplaçant les grévistes. Elles mobilisent d'abord les chefs, qu'on voit alors suer sang et eau pour faire péniblement ce qu'ils demandent aux employés de faire rapidement toute l'année. Elles mobilisent aussi les employés non-grévistes, même si ce n'est pas leur poste de travail ou leur aéroport de rattachement. On a vu des employés venir de Nice à Roissy, 25 employés belges au moins ont même été logés à l'hôtel Ibis de Roissy en décembre, ainsi que des Espagnols ou Hollandais ailleurs !

Tout cela nécessiterait un agrément de la préfecture, qui prend habituellement des semaines. Mais là, comme par hasard, l'autorisation a été donnée immédiatement. Les cadres sont aux petits soins avec les non-grévistes, leur apportant même sandwiches et pizzas, alors que, dans l'année, les employés n'ont pas d'endroit décent où manger. Et bien sûr il y a eu les policiers et gendarmes, pour les palpations et la fouille des bagages uniquement, car ils ne sont pas formés à « screener », regarder les écrans.

Là, plus question d'application des procédures, comme ils disent toute l'année, ou de temps maximum passé sur écran. Alors que les employés doivent habituellement contrôler un certain nombre de voyageurs et de bagages de façon aléatoire (on leur demande des quotas), la priorité est donnée au passage rapide, quitte à alléger ces fameuses procédures !

Sous-traitance et précarité à outrance

Depuis des années, l'activité de sûreté, comme bien d'autres dans les aéroports, a été sous-traitée à des sociétés spécialisées, formées par d'anciens policiers privés, comme Securitas, héritière des milices Pinkerton au long passé de briseurs de grève aux USA, ou ICTS, fondée dans les années 1980 par des anciens du Shin Beth, les services de police israéliens. Le directeur d'ICTS France et patron de la branche est d'ailleurs un ancien général d'aviation.

Ces sociétés privées se battent pour emporter des « marchés » en proposant leurs services le moins cher possible, se rattrapant sur les salariés bien entendu. Cela rend précaire le travail de ces agents, car ces « marchés » sont remis en jeu tous les trois ans, voire tous les ans, et quand une société perd le marché au profit d'une autre, la nouvelle société n'est pas tenue de reprendre tous les salariés. Les avions sont toujours là, le travail aussi, les salariés n'ayant qu'à changer d'uniforme, mais certains se retrouvent à Pôle emploi ! La grève a permis d'imposer la reprise des salariés à 100 % en cas de changement et les patrons ont dû reculer.

La précarité est accentuée par le fait que travailler sur la zone nécessite d'avoir un « double agrément » des autorités, préfecture et justice, agrément qui peut être enlevé à chaque instant sans motif, condamnant ainsi le salarié au chômage.

Le piquant de l'affaire, si l'on peut dire, est que les sociétés sous-traitantes sont liées aux aéroports. Ainsi le directeur d'ICTS France, patron du SESA, la chambre patronale, siégeait il y a dix ans au conseil d'administration d'ADP -- Aéroports de Paris !

Toute cette activité de sûreté se fait donc à la limite des lois et au mépris de la sécurité des passagers. Les dernières atteintes au droit de grève et la provocation du gouvernement en sont une preuve de plus. Mais les grévistes, en tout cas, ont tenu bon et fait reculer leurs patrons.

Partager