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- Lutte ouvrière n°2259
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Leur société
Sarkozy et la « fraude sociale » : La chasse aux pauvres continue
À Bordeaux, mardi 15 novembre, Sarkozy a consacré un discours à ce qu'il appelle la « fraude sociale », dans lequel il a fustigé ceux qui « volent la Sécurité sociale », « ceux qui n'ont pas de dignité parce qu'ils tendent la main », ceux qui utilisent les fonds publics « comme un guichet où chacun pourrait se servir ».
Tous ces qualificatifs décrivent exactement le comportement des capitalistes, qui ne vivent et ne prospèrent que parce que l'État leur dispense quotidiennement aides, prêts, cadeaux, dégrèvements, contrats, lois faites sur mesure, etc. Bien entendu, ce n'est pas eux que visait Sarkozy, mais les travailleurs, coupables d'après lui d'abuser des allocations, des indemnités chômage et des arrêts maladie.
C'est surtout sur ce dernier point qu'un arsenal de mesures est évoqué, dans les différentes interventions ministérielles qui ont précédé ou qui accompagnent le discours de Sarkozy. Il est par exemple question de faire rembourser et d'infliger une amende aux salariés qui auraient « abusé » des arrêts maladie. D'après les chiffres officiels résultant des contrôles, de plus en plus nombreux, effectués par les médecins de la Sécurité sociale, il y aurait 12 % d'arrêts de travail « abusifs » ou « trop longs ». Cela représenterait une « fraude » annuelle aux indemnités journalières de 700 millions d'euros. Outre le fait qu'une grande partie de cette soi-disant fraude n'est que la conséquence de l'épuisement, du dégoût ou de la démoralisation de nombre de travailleurs, elle n'est rien à côté de la fraude patronale et étatique.
L'État omet en effet chaque année de verser deux milliards d'euros des compensations dues aux caisses de Sécurité sociale. Et le rapport d'un parlementaire UMP estime entre 9 et 15 milliards d'euros le manque à gagner annuel résultant du travail au noir, c'est-à-dire essentiellement des patrons qui préfèrent ne pas payer leurs cotisations sociales. De plus, le principal manque à gagner des caisses sociales vient tout simplement du chômage et des bas salaires, dont les travailleurs ne sont pas responsables et dont l'État et le grand patronat sont les grands organisateurs.
Les chiffres de la Sécurité sociale comme l'expérience quotidienne des travailleurs montrent que, en fait, le nombre d'arrêts de travail diminue. Pas seulement parce que les travailleurs sont moins nombreux, et certainement pas parce qu'ils sont en meilleure santé. Non, les travailleurs s'arrêtent moins et même viennent travailler alors qu'ils ne sont pas en état de le faire, parce que la pression est de plus en plus forte, parce que la peur de perdre son emploi est de plus en plus grande. Le jour même où Sarkozy cloue au pilori les soi-disant salariés fraudeurs à l'assurance, il n'a pas un mot pour PSA qui supprime 6 000 postes et autant de cotisations sociales, tout en faisant des bénéfices et en touchant les aides de l'État. Et quel travailleur, quel intérimaire, même sérieusement malade, n'hésitera pas avant de prendre un arrêt, dans une entreprise qui annonce une telle vague de licenciements ?
Alors, ce discours et les projets agités par les ministres et députés UMP ne contribueront en rien à équilibrer des comptes sociaux mis à mal par le fonctionnement même du système capitaliste. Ils ne sont d'ailleurs pas faits pour ça, mais uniquement pour désigner des boucs émissaires à l'électorat de Sarkozy, à cette foule de bourgeois petits, moyens et grands pour lesquels les travailleurs ne travaillent jamais assez et sont toujours trop payés, trop souvent malades et trop tôt en retraite. Les mêmes qui se font une gloire de ne pas payer, légalement ou pas, leurs cotisations sociales, c'est-à-dire une part des salaires dus aux travailleurs.
La seule « fraude sociale » dans tout cela est celle qui consiste à accuser les travailleurs d'une faillite sociale dont les capitalistes sont les seuls responsables.