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Libye : Sus aux profits d'après-guerre
Quatre semaines après un passage éclair de Sarkozy en Libye pour se faire applaudir, le secrétaire d'État au Commerce extérieur Pierre Lellouche et le député UMP Renaud Muselier ont accompagné à Tripoli une délégation de quelque quatre-vingts entreprises françaises, grandes ou petites, pressées de cueillir les fruits de la guerre menée par la France et la Grande-Bretagne contre la dictature de Kadhafi.
Toutes les corporations sont sur les rangs : en tête l'énergie (onze entreprises présentes, dont Total, Technip, GDF Suez Exploration et Production), le bâtiment et les travaux publics (Vinci et Lafarge), les transports (Alstom), mais aussi les communications (Alcatel-Lucent, qui du temps de Kadhafi contrôlait déjà la moitié du marché du téléphone, fixe comme du portable), l'agroalimentaire (Soufflet, qui vend à la Libye depuis trente-cinq ans céréales et farine), enfin la sécurité, l'urbanisme, l'aménagement du territoire, la santé, l'eau, l'environnement et même la cartographie avec l'Institut géographique national.
Officiellement, la délégation venait reconnaître les lieux et les besoins et prendre des contacts mais, comme l'a expliqué le représentant de Suez Environnement : « Quand une porte s'ouvre, il faut y aller. Car on ne sait pas quand elle va se fermer. » En ces temps de crise, la Libye représente en effet une aubaine estimée à 145 milliards d'euros.
Après les bombardements de l'aviation française, qui ont largement contribué à couvrir le pays de décombres, les industriels français n'ont donc aucun scrupule à venir, le sourire aux lèvres, tirer profit de la reconstruction. D'autant moins que la Libye est riche en hydrocarbures et qu'elle ne devrait donc pas manquer de trésorerie, sans parler du pactole des avoirs gelés de Kadhafi que les industriels sur les rangs espèrent voir se dégeler à leur profit.
La Grande-Bretagne et la France, qui ont bombé le torse en intervenant dans la chute du régime, entendent être au premier rang pour en bénéficier. Mais les concurrents italiens, chinois, turcs ou allemands sont là également. Le secrétaire d'État français, en arrivant, a croisé son homologue autrichien qui repartait et, au retour, son homologue allemand qui débarquait.
Éric Besson a déclaré sur France Inter qu'il était normal que la France soit sur les rangs « puisqu'elle était déjà là avant ». Mais patrons italiens, chinois ou turcs peuvent en dire autant. Ils étaient parfois mieux placés que la France, qui ne représentait que 6 % du marché contre 19 % à l'Italie et 11 % à la Chine.
Si les actuels dirigeants du Conseil national de transition ont su déclarer avec tact être « ravis de travailler avec la France », ils ont aussi prévenu qu'il n'y aura pas de cadeau commercial. Pour l'instant seules deux entreprises françaises sont retenues. Total, qui participe à la relance de la production de pétrole, et Alcatel, qui remet en fonctionnement le réseau téléphonique. Pour le reste, les dirigeants du Conseil national de transition ont expliqué que, pour les premiers contrats, il faudra attendre que le nouveau régime ait organisé des élections et formé un gouvernement.
Alors, puisqu'il faut patienter, le bien nommé Lellouche a expliqué que « nos entreprises ne viennent pas pour vendre des produits (...) mais pour travailler sur le long terme et offrir un avenir aux jeunes ». De belles phrases creuses... en attendant la curée !