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- Lutte ouvrière n°2254
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Dans le monde
États-Unis : Les « indignés » commencent à faire parler d'eux.
Démarré depuis le 17 septembre à l'appel d'un collectif anticonsumériste canadien, Adbuster (Casseurs de pub), le mouvement anti-Wall Street s'est brusquement étendu en ce début d'octobre, à la suite des représailles policières qui ont attiré l'attention des médias et des syndicats.
Au départ, les manifestants voulaient occuper Wall Street, à la façon de la place Tahrir du Caire, pour exiger que les choses changent. Espérant réunir 20 000 personnes, ils se sont retrouvés à 1 000 pour manifester près de la Bourse de New York, puis à 200 pour occuper une place proche rebaptisée « place de la Liberté », puis moins encore au fil des jours. Mais dans d'autres villes de semblables « occupations » ont eu lieu.
Au départ, ce sont des jeunes qui se sont lancés pour dénoncer les banques responsables des saisies immobilières, les riches qui font payer les pauvres, la corruption, le chômage et le manque de débouchés, le prix des études, les inégalités croissantes. Certains dénoncent les guerres, d'autres le réchauffement climatique ou l'exécution de Troy Davis. Ils se disent les 99 % tenus à l'écart par les 1 % les plus riches. Leur révolte exprime leur ras-le-bol de tous les maux que cette société injuste et folle fait subir aux populations et à la jeunesse.
Les procédés de la police, faisant usage de jets de poivre contre les manifestants, l'arrestation de 24 d'entre eux qui occupaient l'entrée d'une Bank of America à Boston et l'arrestation le 1er octobre de 700 manifestants sur le pont de Brooklyn à New York, parce qu'ils défilaient sur la chaussée, ont suscité l'indignation et attiré l'attention des médias. Une nouvelle journée de manifestations a été programmée pour le mercredi 5 octobre, soutenue cette fois par de nombreuses organisations syndicales, des enseignants aux infirmières, des employés des transports aux ouvriers de l'automobile ou de l'acier, etc.
À New York, pas moins d'une trentaine d'organisations syndicales ont appelé à manifester le 5 octobre. Et cette fois ce sont plusieurs milliers de personnes qui se sont jointes à la manifestation. Les estimations varient entre 5 000 et 12 000 personnes. D'autres manifestations, de moindre ampleur, ont eu lieu dans des dizaines d'autres villes, dont Boston, Chicago, Los Angeles, Seattle, Dallas, Washington, etc.
Richard Trumka, le président de l'AFL-CIO, la grande centrale syndicale américaine, a annoncé son soutien au mouvement dont il dit qu'il « a suscité l'imagination et la passion de millions d'Américains ». Trumka s'est indigné que « ceux qui font fonctionner notre grand pays sont dépouillés non seulement de leur revenu mais aussi de leur voix ». Mais c'est tenter de faire oublier les responsabilités de l'appareil syndical dans ce hold-up.
Les dirigeants syndicaux prétendent représenter les travailleurs, mais ils font systématiquement passer la compétitivité des entreprises et les intérêts des patrons avant ceux des syndiqués et de l'ensemble des travailleurs, acceptant tous les sacrifices exigés par le patronat. Alors, maintenant ils cherchent à bénéficier de la publicité et de la sympathie pour le mouvement des « indignés », afin de redorer un peu leur blason dans les milieux populaires. Ils pensent sans doute que le mouvement pourrait être un contrepoids au Tea Party et un atout dans la campagne électorale pour les élections générales de novembre 2012.
Obama et le vice-président Joe Biden viennent eux aussi de déclarer qu'ils comprennent ou partagent « la frustration » des manifestants. Ils ne manquent pas de culot. Mais il n'est pas dit que les indignés américains se laissent récupérer si facilement.