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Sécurité sanitaire du médicament : Un projet de loi qui ne pourra rien changer
Pressé par l'affaire du Mediator, le ministre de la Santé Xavier Bertrand a présenté le 1er août au Conseil des ministres son projet de loi de réforme de la sécurité du médicament. Il n'a pas lésiné sur les qualificatifs. Ce devrait être « une réforme radicale, une réforme rapide (...), une réforme ambitieuse (...), une réforme qui clarifie les relations entre le monde de la santé et l'industrie ». Et d'ajouter : « Il y aura un avant et un après Mediator. » Sans aucun risque de perdre, on peut engager le pari qu'il n'en sera rien.
L'affaire Mediator, ce sont au moins 500 et peut-être 2 000 personnes décédées parce qu'elles ont pris un antidiabétique détourné comme coupe-faim, un médicament qui aurait dû et pu être retiré du marché au moins dix ans plus tôt qu'il ne l'a été. Le fait que, malgré les doutes puis les certitudes sur sa toxicité cardiaque, le Mediator a continué à être fabriqué, vendu et même remboursé à 65 % par la Sécurité sociale a mis au grand jour ce que sont les relations entre l'industrie pharmaceutique et ce que le ministre appelle « le monde de la santé » : des relations d'influence où priment les intérêts financiers.
Le projet de loi, qui sera discuté à la rentrée au Parlement, prévoit « la transparence des liens d'intérêts ». D'une part, il est prévu que les experts, médecins et autres spécialistes siégeant dans les commissions des divers organismes de santé publics qui décident de l'intérêt thérapeutique d'un médicament et de son niveau de remboursement, déclarent les liens d'intérêts qu'ils ont avec les laboratoires. D'autre part et de leur côté, les laboratoires auront eux aussi pour obligation de déclarer les « conventions » qu'ils passent avec les « acteurs de santé », c'est-à-dire les rémunérations et autres avantages qu'ils offrent aux médecins, aux établissements de santé, aux journaux médicaux, etc. En fait, ces obligations de déclaration de liens d'intérêts existent déjà dans la loi actuelle, avec l'efficacité qu'on a pu voir. Ce qui est nouveau dans le projet de réforme c'est que, d'un côté comme de l'autre, des sanctions financières sont prévues à l'encontre de ceux qui ne s'y plieraient pas.
Mais il faut une bonne dose d'hypocrisie pour faire mine de s'opposer aux avantages offerts par l'industrie pharmaceutique au corps médical, quand on connaît les rapports, en forme de véritable cordon ombilical, qui lient les laboratoires aux médecins.
L'industrie pharmaceutique participe à la formation initiale des médecins, puis c'est elle qui finance en grande partie leur formation continue, subventionnant colloques et séminaires. C'est elle aussi qui recrute et rémunère les médecins pour conduire les expertises d'évaluation de l'efficacité des médicaments qu'elle produit, si bien que ces médecins se retrouvent tout à la fois juge et partie. Et puis c'est elle encore qui contrôle la presse médicale, ne serait-ce que par le biais de la publicité pour les médicaments. Pour la remplacer dans ces fonctions et assurer une véritable indépendance entre laboratoires pharmaceutiques et corps médical, il faudrait des investissements de l'État tant pour la formation des médecins que pour le recrutement d'experts. Le moins qu'on puisse dire c'est que ce n'est pas demain la veille.
Dans son projet de loi de réforme, le ministre de la Santé en appelle à la création d'une Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en remplacement de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (l'Afssaps), désignée comme responsable de l'incurie des autorités sanitaires dans l'affaire du Mediator. Déjà en 1993, l'Afssaps avait été créée, avec les mêmes arguments, en remplacement de l'Agence du médicament, désignée comme responsable de l'affaire du sang contaminé. De scandale sanitaire en scandale sanitaire, les ministres changent, les dénominations changent. Pas le système.