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- Lutte ouvrière n°2234
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Italie : Faute d'une politique de lutte, La FIOM capitule face au patron de Fiat
Le 2 mai, les délégués syndicaux CGIL de Bertone, à Turin, ont créé la surprise en annonçant qu'ils appelaient à voter Oui à l'accord proposé par le groupe Fiat dans cette usine qu'il contrôle.
Après les usines de Pomigliano d'Arco et de Turin-Mirafiori, le dirigeant de Fiat Sergio Marchionne voulait en effet renouveler à l'égard des travailleurs de Bertone, au chômage depuis plusieurs années, un chantage qui se résume ainsi : accepter de travailler selon les conditions dictées par Fiat, en dérogation des accords signés à l'échelle nationale dans la métallurgie, ou bien se trouver licenciés. Dans cette usine où la FIOM, fédération CGIL de la métallurgie, est très largement majoritaire au sein du personnel, celui-ci s'est donc prononcé à près de 90 % en faveur de l'accord.
Jusque-là, au contraire des deux autres grandes confédérations CISL et UIL, la FIOM-CGIL s'était élevée, avec raison, contre cette série de chantages à l'emploi. Son secrétaire Landini affirme cependant qu'il n'a pas changé de position : en votant Oui à l'accord chez Bertone, ses représentants dans cette usine auraient tenu à garantir l'emploi des travailleurs. La FIOM, dit Landini, n'en continuera pas moins de contester ces accords sur le plan juridique, et il n'y aurait donc pas là de contradiction.
Il est possible qu'avec une telle position à double entrée Landini ait satisfait ses opposants au sein de la FIOM, ainsi que la CGIL avec laquelle il était en contradiction. Mais cela, c'est son problème. En revanche, que doivent comprendre les travailleurs de la position de la FIOM ? Doivent-ils désormais accepter ces accords, que le patronat est en train de multiplier ? Ou au contraire doivent-ils les repousser, comme la FIOM les avait jusqu'à présent appelés à le faire ? Et dans ce cas, que répondre au chantage à l'emploi d'un patronat qui leur dit que c'est à prendre ou à laisser, la seule alternative étant la fermeture de l'usine et les licenciements ?
Le seul espoir pour les travailleurs est-il donc de s'en remettre à l'action de la FIOM sur le plan juridique ? Chacun sait qu'il est aléatoire d'attendre des tribunaux une décision conforme à leur intérêt. Et puis une telle décision peut prendre dix ans. Entre-temps les travailleurs, qui ont besoin de leur salaire, doivent-ils donc accepter tous les chantages ? La position de la FIOM revient à leur dire que oui.
Dans cette affaire le problème n'est pas celui des seuls travailleurs de Bertone, ni même du groupe Fiat : il est celui de l'ensemble de la classe ouvrière et des droits qu'elle a conquis au cours de décennies de lutte. Fiat estime que désormais il n'a pas besoin de les respecter et il s'émancipe de la Confindustria, la fédération patronale, pour ne plus être tenu par les accords qu'elle signe. Il change le statut de ses usines, en créant dans chacune une new company - en anglais s'il vous plaît - ne respectant que ses propres règles. Il agit ainsi en éclaireur pour le patronat italien, qui s'apprête à le suivre sur ce chemin en s'affranchissant des règles, des obligations en matière d'horaires, de conditions de travail, de salaires, de droit de grève, de représentation, qui découlent de la négociation collective.
Cette offensive patronale nécessiterait une riposte ouvrière, non pas seulement chez Bertone, non pas seulement chez Fiat, mais à l'échelle du pays. Pendant quelque temps la FIOM a pu sembler la vouloir, ne serait-ce que parce que la Fiat, en voulant priver de représentation les syndicats non signataires des accords, s'attaquait à la FIOM elle-même. Mais son attitude chez Bertone confirme qu'il ne fallait pas se fier aux discours, même radicaux, de Landini.
Dans les autres usines Fiat, la FIOM a pu s'abstenir car elle n'y est pas majoritaire. Il en allait autrement chez Bertone où, après avoir refusé l'accord, elle se serait trouvée seule face à ses responsabilités. La seule alternative au vote Oui, c'est-à-dire à la capitulation, aurait alors été d'engager un véritable plan de lutte de tous les travailleurs, pour mettre en échec l'offensive patronale. L'acceptation de l'accord chez Bertone, quoi qu'en dise Landini, est l'aveu qu'il n'envisage rien de ce genre, bien plus préoccupé qu'il est de la place de l'appareil FIOM et de la sienne propre que du sort de la classe ouvrière.
Les travailleurs, eux, n'auront pas d'autre choix que de s'engager, tôt ou tard, dans une lutte générale pour faire remballer au patronat toutes ses lois et ses accords antiouvriers. Mais ils ne devront pas compter pour cela sur les directions syndicales, quelles qu'elles soient.