Malgré la semaine sanglante, « l'oeuvre de la Commune n'est pas morte » (Lénine)

Durant 72 jours, du 18 mars 1871 au 21 mai, pour la première fois dans l'histoire du mouvement ouvrier, les travailleurs s'étaient retrouvés au pouvoir. Ce pouvoir qui donnait raison aux ouvriers contre les patrons, qui regroupait des élus révocables, rémunérés au salaire d'un ouvrier, qui avait supprimé l'armée permanente, avait défié la bourgeoisie en montrant la capacité des travailleurs à construire une société sans exploitation.

La Commune de Paris souleva l'enthousiasme des travailleurs des villes du pays. Des Communes furent proclamées dans nombre de grandes villes de province. Mais dès le 4 avril, tous ces mouvements avaient déjà avorté. La classe ouvrière, qui fut l'élément le plus dynamique des mouvements en province, ne réussit pas à en garder la direction. « Partout vainqueurs au premier choc, les travailleurs n'avaient su que crier "Vive Paris". Mais du moins ils prouvèrent leur vigueur, leur fierté », dit Lissagaray, journaliste et membre de la Commune.

À Versailles, où le pouvoir bourgeois s'était réfugié le 18 mars par peur des travailleurs en armes, les conservateurs comme les républicains, unis dans leur haine des travailleurs insurgés, préparaient cependant leur revanche. Thiers, vieux politicien monarchiste, chef du pouvoir exécutif s'efforçait d'isoler Paris. Les politiciens bourgeois des villes de province s'employaient à neutraliser la classe ouvrière et à faire échouer les insurrections dans le reste du pays. Thiers voulait reconstituer une armée capable de réprimer les ouvriers parisiens insurgés. Il obtint pour cela l'aide de Bismarck, chef du pouvoir prussien, qui accepta de libérer les soldats français faits prisonniers lors de la guerre.

La Commune ne tenta rien contre Versailles au moment où elle était en position de force, au lendemain du 18 mars, pas plus après le 3 avril, quand les attaques contre Paris commencèrent, montrant déjà avec quelle sauvagerie l'armée versaillaise comptait mener la guerre civile. Comme l'écrivit plus tard Lénine : « Au lieu de couronner sa victoire à Paris par une offensive résolue sur Versailles, elle temporisa et donna au gouvernement de Versailles le temps de rassembler les forces ténébreuses et de se préparer à la semaine sanglante de mai. »

Le dimanche 21 mai, l'armée versaillaise, profitant de la désorganisation de l'armée de la Commune, entrait dans Paris par le secteur de la porte de Saint-Cloud. Ce ne fut que le lundi 22 mai que la population apprit l'entrée de l'armée versaillaise. La résistance commença alors à s'organiser. Les barricades s'élevèrent un peu partout ralentissant l'avancée des troupes. Mais le 28 mai, la Commune était vaincue.

La répression fut à la hauteur de la haine et de la peur que les ouvriers au pouvoir avaient inspirées à la bourgeoisie. Il y eut de 25 000 à 30 000 morts, des ouvriers, des gardes nationaux, des femmes et des enfants fusillés sans jugement, leurs corps mutilés et jetés dans les fosses publiques. Quarante mille Communards furent faits prisonniers. Vingt-quatre conseils de guerre fonctionnèrent pendant quatre ans pour les juger. Il y eut des milliers de déportés. Les Versaillais fusillèrent sans jugement les derniers Communards pris les armes à la main contre un mur du cimetière du Père-Lachaise, appelé depuis le mur des Fédérés. 147 de ces combattants de la Commune furent ainsi fusillés. Mais comme le dit une des chansons révolutionnaires de la Commune, elle n'était pas morte pour autant.

Malgré ses faiblesses, ses hésitations, malgré toutes ses limites, la Commune montra à des générations de militants ouvriers ce dont la classe ouvrière est capable, mais aussi ce dont les travailleurs ont besoin pour vaincre. Pour Marx, et plus tard pour les dirigeants de la révolution russe de 1917, Lénine et Trotsky, l'expérience de la Commune confirmait la nécessité pour la classe ouvrière d'être préparée, d'avoir un parti défendant réellement ses intérêts politiques, un parti réellement communiste.

Trente-six ans plus tard, en 1917, les travailleurs russes s'emparaient du pouvoir et créaient un État ouvrier, cette fois à l'échelle d'un continent. On raconte que Lénine dansa dans la neige quand le pouvoir ouvrier soviétique dépassa les 72 jours d'existence de la Commune. Trotsky tirait ainsi les leçons de la Commune en février 1921 :« Nous pouvons ainsi feuilleter page par page toute l'histoire de la Commune, et nous y trouverons une seule leçon : il faut une forte direction de parti. Le prolétariat français, plus qu'aucun autre prolétariat, a fait des sacrifices à la Révolution. Mais plus qu'aucun autre aussi a-t-il été dupé. La bourgeoisie l'a plusieurs fois ébloui par toutes les couleurs du républicanisme, du radicalisme, du socialisme, pour lui mettre toujours des chaînes capitalistes. La bourgeoisie a apporté par ses agents, ses avocats et ses journalistes, toute une masse de formules démocratiques, parlementaires, autonomistes communales qui ne sont que des entraves aux pieds du prolétariat et qui gênent son mouvement en avant. (...) Combien de temps l'histoire nous donnera-t-elle pour nous préparer ? Nous ne le savons pas. (...) Mais, cette fois, l'action sera plus ferme, plus concentrée. Les héritiers de Thiers auront à payer la dette historique, intégralement. »