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Hongrie : La spirale infernale de la démagogie d'extrême droite
Depuis plusieurs semaines, l'extrême droite hongroise Jobbik (Mouvement pour une Hongrie meilleure) a lancé une série de manouvres d'intimidation brutales à l'encontre de la communauté rom, nombreuse au nord-est de Budapest.
À Gyöngyöspata, un village de 2 900 habitants à seulement une heure de route de la capitale hongroise, le Jobbik a déployé une milice paramilitaire en uniforme noir, baptisée Szebb Jövoert (Pour un plus bel avenir). Ces brutes au crâne rasé, armés de haches ou de fouets, flanqués de pitbulls, patrouillent jour et nuit dans les rues du village. Ils encerclent les maisons des habitants Roms sans que la police locale bouge le petit doigt. Des villageois partisans du Jobbik logent et nourrissent à tour de rôle ces miliciens.
Les Roms, environ 450, se terrent dans les maisons, n'osent plus envoyer les enfants à l'école. Lors du week-end de Pâques, les paramilitaires ont voulu organiser un camp d'entraînement au centre du village, qui fut finalement interdit. Mardi 26 avril, à la suite d'une énième provocation, une bagarre a éclaté, faisant plusieurs blessés parmi les habitants roms. Depuis, certaines familles roms quittent le village.
Le 6 mars dernier, le dirigeant national du Jobbik, le député Gabor Vona, est venu à Gyöngyöspata tenir un discours devant 1 500 paramilitaires, dans lequel il a fustigé la prétendue « criminalité tsigane ». Après quoi l'extrême droite a organisé de nouveaux groupes paramilitaires, comme à Hajduhadhaza, une petite ville de l'est du pays, et dans les bourgs voisins de Bocskaikert ou Teglas.
La communauté rom est non seulement la plus pauvre parmi les pauvres en Hongrie, mais elle subit de surcroît bien des vexations et des agressions à caractère raciste. Il y a un an, un père et son fils ont été abattus à coups de fusil alors qu'ils fuyaient leur maison incendiée par des criminels. À la même époque, quatre membres d'une famille rom ont été tués avec des lames de rasoir pendant leur sommeil.
Près des deux tiers des 700 000 Roms hongrois sont au chômage. Dans 30 % des écoles, les enfants roms sont isolés dans des classes non mixtes, seulement 1,2 % des Roms font des études supérieures. Selon la Banque alimentaire hongroise, 200 000 Roms « font face à la faim au quotidien ». Et depuis la reprivatisation des forêts, en 1992, ils n'ont même plus le droit d'y ramasser le bois pour se chauffer.
La récente hausse de l'agressivité de l'extrême droite s'explique sans doute par sa baisse dans les sondages. Le Jobbik, qui a trois députés européens, avait fait une percée aux législatives d'avril 2010, où il avait obtenu 17 % des voix et 47 sièges, après avoir fait une campagne anticommuniste, nationaliste, ouvertement anti-Roms et antisémite. Ces élections, qui avaient vu le Parti social-démocrate s'effondrer, ont été un triomphe pour le parti conservateur Fidesz (Union civique hongroise), dont le leader est Viktor Orbán. Ayant obtenu 52 % des voix, le Fidesz parvint au pouvoir, pour y mener une politique de baisse brutale du nombre des emplois publics, des salaires ou encore des prestations sociales et des pensions, en accord avec le FMI. Sur cette lancée, Viktor Orbán s'est également mis à courtiser l'électorat d'extrême droite en reprenant à son compte les idées les plus réactionnaires et les plus démagogiques. Cette politique s'est récemment illustrée dans l'adoption de la nouvelle Constitution hongroise introduisant de nouvelles références à la religion et à la famille traditionnelle, rappelant « le rôle du christianisme » dans « l'histoire millénaire » de la Hongrie, revenant sur le droit à l'avortement, etc.
Cette politique ultraconservatrice a eu pour résultat de faire baisser dans les sondages le Jobbik, qui s'inquiète déjà pour les prochaines élections de 2014, rendant plus enragée encore cette extrême droite hongroise qui fait maintenant parader ses troupes.
Certes, le Jobbik et ses crânes rasés réservent pour l'instant leurs démonstrations musclées à des villages de campagne et n'en sont pas à défiler dans les villes ou dans les quartiers ouvriers. Mais l'agressivité de ces nervis souligne, si besoin était, que quand des politiciens réactionnaires comme Viktor Orbán en sont à aller chasser sur les terres de l'extrême droite, ils s'engagent dans une spirale infernale qui n'a que l'horreur pour conclusion. Et cela ne vaut pas seulement pour la Hongrie.