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- Lutte ouvrière n°2229
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Editorial
Ces guerres ne sont pas les nôtres !
« La guerre risque de durer en Libye », vient de déclarer Gérard Longuet, ministre de la Défense. Ce que le gouvernement nous a présenté comme une intervention aérienne limitée, pour venir au secours de ceux qui se sont insurgés contre Kadhafi et sa dictature, est reconnu aujourd'hui pour ce que c'est : une guerre. Et, qui plus est, une guerre peut-être durable.
L'armée française est donc en train d'intervenir dans trois pays sur deux continents. Elle est présente depuis dix ans en Afghanistan. Ses avions bombardent la Libye. Et les troupes d'occupation françaises en Côte d'Ivoire viennent de jouer un rôle décisif dans la victoire d'Alassane Ouattara contre son rival Laurent Gbagbo.
Ces trois guerres sont toutes des guerres de brigandage, quels que soient les discours pour les justifier.
Longuet, comme ses prédécesseurs, porte le titre de « ministre de la Défense ». Mais lequel de ces trois pays a attaqué la France ? En quoi l'Afghanistan, un des pays les plus pauvres de la planète, enserré dans ses montagnes d'Asie à plus de cinq mille kilomètres d'ici, menace-t-il la France ? Contre qui, contre quoi faut-il défendre la France en Côte d'Ivoire ? Quant à prétendre que l'armée française est intervenue pour protéger la population, c'est une triste plaisanterie. D'abord parce que les troupes françaises stationnent en permanence dans le pays. Ensuite parce que, si elles ont permis à une des bandes armées, celle de Ouattara, de l'emporter sur celle de Gbagbo, les quartiers populaires n'ont à aucun moment été protégés contre les exactions de l'un ou de l'autre camp. Même Kadhafi, le seul de ces dirigeants à disposer d'une véritable armée, ne menace en rien la France. Il était même considéré, il y a encore quelques mois, comme un « grand ami » de la France, que Sarkozy avait obséquieusement reçu à Paris. Mieux, ou pire : les armes que Kadhafi utilise contre son propre peuple lui ont été vendues par la France.
La raison d'être de ces guerres est de montrer que notre impérialisme, un impérialisme au petit pied, a encore les moyens de mener des guerres aux quatre coins du monde, ici pour le pétrole, là pour appuyer ses grands groupes capitalistes à la Bouygues ou à la Bolloré, et ailleurs simplement pour s'assurer une petite position stratégique. C'est le prix à payer pour que la bourgeoisie de ce pays puisse avoir sa part dans le butin des richesses volées par l'impérialisme aux pays pauvres.
L'autre raison de ces guerres est de servir de débouchés et en même temps de publicité aux marchands d'armes. À Dassault, qui ne parvient à vendre ses Rafale à aucun gouvernement, hormis celui de la France, et qui peut se payer là, avec l'argent public, une démonstration où ses avions font de vrais morts et de vraies destructions. Et, derrière Dassault, il y en a bien d'autres.
Le quotidien France-Soir vient de constater, à juste raison : « Excellente publicité pour nos fabricants d'armes. Mais une publicité à prix fort. Onze missiles de croisière Scalp ont été, pour le moment, tirés, d'un prix unitaire de 850 000 euros » ! Et combien coûte une heure de vol d'un Rafale ? Combien coûte l'envoi vers les côtes libyennes du porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle ?
Rien que le prix d'un seul missile correspond donc à cinquante ans du salaire d'un smicard !
Les ministres se répandent en jérémiades dans tous les médias pour expliquer que, pour rembourser la dette faramineuse de la France, il faut geler les salaires dans le secteur public, faire des économies sur à peu près tout ce qui est utile à la population, sur les écoles, sur le système hospitalier, sur les prestations sociales. Mais, en même temps, l'État creuse cette dette à coups de missiles sur la Libye, de bombes sur l'Afghanistan, de canonnades sur le palais présidentiel d'Abidjan.
Quand on confronte la prodigalité de l'État envers les marchands d'armes aujourd'hui, envers les banquiers hier, avec sa pingrerie pour tout ce qui concerne l'écrasante majorité de la population, on se dit que le système capitaliste est complètement fou. Mais il faut aussi en tirer la conclusion que, décidément, les intérêts des peuples que notre impérialisme bombarde, assassine, pille et opprime, sont les mêmes que ceux des exploités de ce pays.
À bas le brigandage aux quatre coins du monde ! À bas les aventures militaires de l'impérialisme français !
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 18 avril