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- Lutte ouvrière n°2225
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Dans les entreprises
Edf-Recherche et développement - Centrales nucléaires : La sécurité, parent de plus en plus pauvre
Suite à l'accident nucléaire de Fukushima, le PDG d'EDF Proglio a envoyé à l'ensemble du personnel un courrier électronique pour l'appeler à sa « mobilisation dans cette période délicate pour l'industrie nucléaire ». « Vous ne manquerez pas d'être questionné(e) par vos familles, vos amis, vos voisins. Il importe que vous soyez en mesure de les rassurer sur les moyens qu'EDF, en tant qu'industriel responsable, met en oeuvre en permanence pour assurer la prévention des risques de ses centrales ».
Mais à la R&D d'EDF, c'est un tout autre message que le personnel a envie de porter à la connaissance du public.
Depuis des années, et notamment depuis le début du processus de privatisation d'EDF, la direction n'a eu de cesse d'imposer des restrictions sur l'ensemble des activités de l'entreprise.
À la R&D, en dix ans, l'effectif a décru de 30 %, passant de 2 700 à un peu plus de 2 000 aujourd'hui. De nombreuses activités techniques liées à la sûreté nucléaire ont été réduites à la portion congrue.
Des études portant sur les conséquences des accidents graves, sur les incendies, sur l'étude du comportement de certains composants essentiels des centrales, sur la recherche de nouveaux systèmes de source froide, ont été menacées car ne « créant pas de valeur ». Les grands halls d'essais du site de Chatou, des Renardières en Seine-et-Marne, autrefois bouillonnants d'activités, se vident au fur et à mesure des départs en retraite des techniciens d'essais non remplacés.
Seuls l'acharnement des équipes techniques ou la survenue impromptue d'un incident, comme le colmatage des tubes de générateurs de vapeur qui ont conduit récemment à l'arrêt d'urgence de réacteurs, ont permis de préserver quelques petits noyaux d'experts.
Pourtant, les sujets d'étude ne manquent pas, comme ceux liés au prolongement de la durée de vie des centrales, à la conception du nouveau réacteur EPR en construction à Flamanville, ou sur le retraitement/stockage du combustible usé.
Par exemple, alors que le problème du vieillissement des centrales aurait dû être un sujet de préoccupation depuis longtemps, ce n'est que l'an dernier qu'un institut sur le vieillissement des matériaux soumis aux irradiations (MAI) a été fondé.
Le manque de moyens est d'autant plus grave que l'on constate en dehors de la R&D, à l'ingénierie par exemple, qui a pour tâche, avec l'aide de la R&D, de porter les dossiers de sûreté devant les autorités compétentes, des charges de travail incompatibles avec une analyse approfondie des différents scénarii d'accidents qui leur sont soumis. Alors que les effectifs se sont tout juste stabilisés ces dernières années, ces ingénieurs doivent à la fois traiter les dossiers sur le parc de centrales actuel, sur le nouveau réacteur EPR et sur l'allongement de durée de vie des centrales.
De plus en plus, à la R&D comme ailleurs, des tâches sont réalisées par une sous-traitance, elle aussi soumise à une pression accrue et à des conditions de travail souvent bien pires que celles des agents EDF.
Les connaissances scientifiques et techniques devraient être à même d'assurer la sécurité des centrales, y compris dans des situations extrêmes comme les séismes. Mais la succession des économies réalisée dans le domaine de la R&D, de l'ingénierie, de l'exploitation et de la maintenance des centrales, toutes tendues vers la recherche du profit maximal, le manque de transparence dans la divulgation des problèmes de sûreté qui apparaissent dans les études théoriques ou au fur et à mesure du vieillissement des centrales, peut engendrer le pire, comme au Japon...