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Libye : Les dirigeants occidentaux voudraient une relève
Les combats se poursuivent en Libye où les troupes restées fidèles à Kadhafi tentent de reprendre du terrain, recourant aux tanks, à l'aviation, et faisant de nombreux morts. En effet, si les manifestations commencées il y a plusieurs semaines ont permis aux opposants de prendre le contrôle de nombreuses villes, notamment dans tout l'est du pays, le régime a gardé visiblement le contrôle d'une grande partie de l'appareil militaire et policier. Et, à la différence de ce qui s'est produit en Tunisie, puis en Égypte, les dirigeants occidentaux n'ont pas suffisamment d'influence, ni sur Kadhafi, ni sur les sommets de l'armée, pour arriver à les convaincre de s'effacer et de mettre en place des apparences démocratiques.
De l'Américain Barack Obama à la plupart des dirigeants européens, tous s'indignent aujourd'hui de ce gouvernement qui fait tirer sur son propre peuple, et condamnent la dictature libyenne comme s'ils venaient de découvrir la nature du régime. C'est un bel étalage d'hypocrisie de la part de gouvernements qui, depuis des années, se sont appuyés sur Kadhafi, l'ont aidé aussi longtemps qu'il garantissait la stabilité des approvisionnements pétroliers ainsi que, en retour, de bonnes affaires et de grosses commandes pour les capitalistes occidentaux. En outre, une collaboration étroite s'était établie avec le régime pour lui faire jouer le rôle de garde-frontières de l'Europe, empêchant le départ des candidats à l'immigration depuis les côtes libyennes et les jetant dans des camps de rétention.
Mais maintenant que ce régime est aux abois, l'enjeu pour les dirigeants occidentaux est de ménager l'avenir. S'ils se déclarent donc en faveur du peuple libyen et de ses aspirations à la liberté, c'est bien pour pouvoir se présenter en amis du nouveau pouvoir qui émergera. Car ils voudraient désormais que celui-ci s'installe le plus vite possible et garantisse à son tour la stabilité, les affaires et donc les relations avec eux et leurs capitalistes.
Lorsque les dirigeants occidentaux évoquent l'idée d'une intervention directe, de l'institution d'une « zone d'exclusion aérienne » ou lorsqu'ils envoient des porte-avions croiser au large de la Libye, il ne s'agit pas pour eux d'aider un peuple insurgé. Il s'agit d'affirmer leur présence, de proclamer dès maintenant que celui qui gouvernera demain la Libye devra compter, et collaborer, avec eux.
La vague de révolte qui secoue le monde arabe a débouché jusqu'à présent sur le départ de Ben Ali et de Moubarak et leur remplacement par des gouvernements dits de « transition démocratique », mais qui devraient sauvegarder l'essentiel de la domination, tant des possédants locaux que des grandes sociétés occidentales qui depuis des années prospèrent dans ces pays grâce à la misère des peuples. Les dirigeants occidentaux voudraient bien que le même processus se déroule en Libye, même si l'obstination de Kadhafi rend les choses plus difficiles.
Mais les travailleurs, les masses exploitées des pays arabes, qui sont entrées en lutte pour leurs droits démocratiques, mais aussi économiques et sociaux, ne pourront se contenter d'un changement d'étiquette sur la même domination. Et elles sont loin d'avoir dit leur dernier mot.