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- Lutte ouvrière n°2216
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Leur société
Le congrès du Front National : Dédiabolisé ou pas, une menace grave contre le monde du travail.
À l'issue du congrès des 15 et 16 janvier, Marine Le Pen a succédé à son père à la présidence du Front National. Une succession organisée depuis longtemps et sans surprise. Ce n'est donc pas cela qui a retenu l'attention des commentateurs, mais l'orientation nouvelle qu'ils ont cru percevoir dans le discours de la nouvelle présidente. Marine Le Pen aurait donné dans ses discours une part plus grande aux questions économiques et ne rejetterait plus comme auparavant l'idée d'une intervention de l'État dans les rouages de l'économie. Ils y voient une rupture avec le libéralisme qui, selon ces fins analystes, serait l'apanage du FN depuis sa fondation. Et de s'empresser d'en conclure à un re-positionnement du FN.
Constatant par ailleurs qu'elle a moins insisté sur la dénonciation de l'émigration, thème favori de l'extrême droite, pour parler de la lutte contre les risques d'une « invasion islamique », en se référant aux principes de la laïcité, ils en concluent que le Front National nouveau aurait choisi de se « dédiaboliser », d'endosser les habits d'un parti de droite classique, et de se donner l'allure d'un parti de gouvernement.
La belle découverte ! Ce n'est pas d'aujourd'hui que le FN ou certains de ses membres ont la tentation de participer au pouvoir, d'« aller à la soupe ». En témoignent ces va-et-vient continuels, limités certes pour l'instant entre notables du FN qui se rallient à l'UMP, ou ceux - mais c'est plus rare car la soupière est du côté de l'UMP - des politiciens qui font le chemin inverse. Quant à la normalisation des thèmes dont s'alimente traditionnellement le FN, elle est autant le fait de la droite dite classique, qu'incarne l'équipe Sarkozy, que de la direction du parti lepeniste. Si Marine Le Pen vient de découvrir une nouvelle cible avec ces musulmans qui « occupent nos rues pour y faire leur prière », Sarkozy avait enfourché le cheval de la chasse aux Roms, après avoir montré du doigt la « racaille » des quartiers. Une attitude qui rappelait le Chirac « du bruit et des odeurs ».
Tout cela illustre le fait qu'il n'y a pas de cloison imperméable entre l'extrême droite et ces politiciens de la droite dite républicaine, comme on essaye de nous le faire croire régulièrement. Et on a pu mesurer combien les affirmations de ceux qui prétendaient en 2002 que Chirac ferait rempart à Le Pen (Jean-Marie) et à ses idées, relevaient de la mystification, dangereuse, voire mortelle pour la classe ouvrière et les classes populaires.
L'idée qu'une coalition gouvernementale se constitue entre l'UMP et le FN ne relève pas du fantasme. Des accouplements de ce genre se sont réalisés dans d'autres pays, en Italie, en Autriche, et peuvent se réaliser dans d'autres pays encore où la droite extrême, pour ne pas dire l'extrême droite, a connu récemment des succès électoraux.
Ce n'est pas parce que ce type de situation tend à se généraliser qu'il ne faut pas s'en inquiéter et la considérer comme un épisode banal de la vie politique qui s'inscrirait dans une alternance, classique, telle qu'elle s'est pratiquée dans la période récente. La banalisation de l'extrême droite, c'est aussi la banalisation de ses « idées », d'ailleurs déjà mises en oeuvre en partie par Sarkozy. L'accession de l'extrême droite au gouvernement, même par des voies institutionnelles, annoncerait une nouvelle aggravation de la politique menée contre les travailleurs et les classes populaires. Marine Le Pen ne le cache pas plus que son père.