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- Lutte ouvrière n°2213
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Tunisie - Région de Sidi Bouzid : Malgré la répression, les manifestations s'étendent
En Tunisie, près de deux ans après les manifestations populaires de la région des mines de phosphate de Gafsa - à la suite desquelles des manifestants, des militants et des journalistes sont toujours emprisonnés -, c'est dans la région voisine de Sidi Bouzid, au centre-ouest de la Tunisie, que s'exprime la colère de la population, jeune et moins jeune.
C'est la tentative de suicide par le feu, le 17 décembre dernier, d'un jeune vendeur ambulant dont la marchandise avait été confisquée par les autorités de Sidi Bouzid, qui a suscité des rassemblements d'habitants en colère, notamment au siège du gouvernorat. Les manifestants exprimaient leur indignation devant l'attitude des autorités locales qui avait provoqué le geste désespéré de Mohamed Bouazizi. Ils dénonçaient le chômage, qui atteint 30 % dans cette région agricole où les pouvoirs publics n'investissent pas, et la hausse des prix.
Comme à Gafsa, comme à chaque manifestation de la population, de syndicalistes ou d'opposants, le régime du dictateur Ben Ali, en place depuis vingt-trois ans, ne sait répondre que par la répression et les arrestations, la matraque, voire les balles.
C'est ce qui s'est produit le 24 décembre, lors de l'intervention brutale des forces de police, envoyées en nombre pour réprimer une manifestation à Bouzayane, à 60 kilomètres de Sidi Bouzid : un jeune de 18 ans a été tué par balles et il y a eu plusieurs blessés parmi les deux mille manifestants, selon des témoins. D'autres manifestations ont eu lieu les jours suivants dans d'autres villes du centre ou du sud ; par exemple à Ben Guerdane, près de la frontière libyenne, où la vente ambulante, rare activité possible pour les jeunes chômeurs, avait été restreinte et où des manifestations s'étaient déjà produites en août dernier. Quant à la capitale, Tunis, elle a connu le 27 décembre un rassemblement de plusieurs centaines de personnes, organisé devant le siège du syndicat UGTT par plusieurs syndicats, et appelant au « droit de travailler », à la « libération des prisonniers de Sidi Bouzid » et contre la corruption que fait régner le pouvoir dans ce pays de dix millions d'habitants.
La pauvreté de certaines régions abandonnées, le chômage, en particulier des jeunes, la peur suscitée dans les villages par les exactions des groupes de racketteurs, la répression brutale et systématique, l'étouffement de l'opposition à Ben Ali et des journalistes indépendants du pouvoir, tout concourt à la montée d'une colère dans laquelle le régime feint encore de ne voir qu'une « instrumentalisation d'un malheureux incident ».