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Mediator : L'État au service de l'industrie pharmaceutique
Ces derniers jours, la presse a apporté de nouvelles révélations concernant le médicament Mediator. Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a organisé en urgence une nouvelle réunion d'experts. Et lundi 20 décembre, il a déclaré au journal Le Figaro : « Il y a de fortes présomptions de défaillances graves dans cette affaire. » C'est le moins que l'on puisse dire devant l'accumulation des faits, de plus en plus sordides.
Le Mediator est un médicament des laboratoires Servier mis sur le marché en 1976. Dans les années 1990 d'autres médicaments de la même famille ont été utilisés pour aider à maigrir, mais ils ont été progressivement interdits en raison de leurs effets secondaires cardiaques, rares mais graves. En 1997, le Mediator est resté le seul médicament de cette catégorie autorisé en France. Indiqué principalement pour les diabétiques en surpoids, dans les faits il devint un médicament largement prescrit pour tenter de perdre quelques kilos en trop. Cela permit aux laboratoires Servier d'encaisser un joli pactole : un milliard d'euros, selon le journal L'Usine Nouvelle.
Pourtant dès 1998, trois professeurs de médecine auraient écrit une lettre au directeur de l'Agence du médicament pour le mettre en garde contre son utilisation. Mais aucune mesure n'a été prise à ce moment. En 2006, alors que Xavier Bertrand occupait déjà le poste de ministre de la Santé, une commission de transparence de la Haute Autorité de santé aurait été clairement avertie de l'éventualité d'effets secondaires graves du Mediator, mais elle s'est contentée de demander une enquête complémentaire sur son efficacité. Dans les années suivantes, la Sécurité sociale aurait sanctionné de nombreux médecins. Ils avaient prescrit le Mediator pour aider à maigrir alors qu'il n'était pas autorisé dans cette indication.
Au final, depuis 1998, les avis émanant de commissions de l'État et de journaux médicaux se sont multipliés pour signaler le peu d'effet thérapeutique et les risques de ce médicament et recommander des recherches. Mais le Mediator a continué à être prescrit et même remboursé par la Sécurité sociale. Et cela aurait pu continuer longtemps si un médecin de l'hôpital de Brest n'avait décidé de mener une enquête locale dont les conclusions sont si accablantes que le Mediator a été enfin retiré du marché en novembre 2009.
Aujourd'hui que des enquêtes nationales ont été réalisées, simplement en étudiant les registres de la caisse nationale d'Assurance maladie, on considère que le Mediator pourrait avoir entrainé de 1 000 à 2 000 décès en trente ans. Cela pour un médicament dont l'efficacité semble complètement nulle.
Les scandales sanitaires, que ce soit celui du sang contaminé dans les années 1990 ou celui du Mediator aujourd'hui, montrent clairement que la priorité des ministres de la Santé est bien d'assurer les profits des trusts de l'industrie pharmaceutique. Aujourd'hui, Xavier Bertrand promet une plus grande transparence et toute la vérité. Mais qui peut le croire alors qu'il se garde bien de revenir sur son propre rôle en 2006 ou d'accuser directement les laboratoires Servier, qui sont bien le principal bénéficiaire et responsable de toute cette affaire.