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Dans le monde
Bangladesh : La police tire sur les ouvriers
Dimanche 12 décembre, la police a violemment réprimé les ouvriers du textile qui manifestaient dans la zone industrielle de Chittagong, deuxième ville du Bangladesh, ainsi qu'à Dacca, la capitale. Les travailleurs, grévistes ou lockoutés, exigeaient l'application de la hausse des salaires prévue pour fin novembre, qui devait les porter à l'équivalent de trente euros par mois.
Après de multiples grèves et manifestations, en juillet dernier, le gouvernement avait fini par accorder un nouveau barème des salaires dans l'industrie textile, concernant 4 500 usines et trois millions de travailleurs. La Première ministre avait alors noté elle-même que le salaire de base des ouvriers ne permettait pas de satisfaire leurs besoins vitaux. Ce qui ne l'avait pas empêchée de repousser à fin novembre l'augmentation promise.
Les ouvriers de nombreuses entreprises, ayant constaté que, à la date prévue, le compte n'y était toujours pas, se sont alors mis en grève, paralysant toute la zone industrielle de Chittagong (150 000 travailleurs), trouvant du renfort parmi les ouvriers des autres secteurs, coupant la route de l'aéroport et celle du port. Le mouvement commençait aussi à s'étendre aux usines textiles de Dacca et d'autres villes. Et dimanche 12 la police, dans un premier temps submergée par la colère des travailleurs, a fait usage des armes à feu, tuant quatre manifestants et en blessant de nombreux autres.
Dans la soirée, des représentants du patronat déclaraient, d'une part, que l'accord ne consistait pas en une augmentation générale de 80 % du salaire, d'autre part, qu'il y avait bien eu certaines erreurs de certains services de comptabilité, mais que tout allait rentrer dans l'ordre et que les salaires allaient être rétablis et payés d'ici quelques jours. Le gouvernement, de son côté, assurait les ouvriers qu'il allait faire respecter l'accord et leur recommandait de ne pas user de violence. Une commission tripartite était même mise sur pied pour ce faire. Mais, dans le même temps, les autorités déclaraient qu'elles allaient tout mettre en oeuvre pour démasquer un complot contre l'industrie nationale et faisaient arrêter un leader syndical à son bureau, en plus des centaines de travailleurs embarqués lors des manifestations et en passe d'être jugés.
Mardi 14 décembre, la police et le patronat, relayés par la presse, annonçaient la reprise du travail dans la plupart des entreprises. Mais, même si l'augmentation de salaire était réellement appliquée, rien ne serait réglé : le gouvernement du pays le reconnaît lui-même puisque, par exemple, il demande aux ONG de trouver des fonds pour aménager des dortoirs pour les ouvrières, la faiblesse de leurs salaires ne leur permettant pas de se loger décemment. Les journées de travail sont de 12 heures, voire plus, au gré des besoins des patrons. Les conditions de travail sont celles de bagnes modernes qui, à la moindre étincelle, brûlent avec leurs ouvriers. Lundi 13 décembre encore, deux travailleurs sont morts carbonisés dans l'incendie de leur usine, dix ont été gravement blessés et des dizaines d'autres, bloqués sur le toit de l'immeuble en feu, ont eu cette fois-ci de la chance.
Il faut préciser que ces trois millions de prolétaires, dont une majorité de femmes, suent du profit pour Nike, Zara, H et M et toutes les grandes marques du textile et de la distribution ayant leur siège à Londres, New York et Paris. Alors, on ne peut que souhaiter que leur colère se manifeste encore pour imposer à leurs patrons, et à leurs donneurs d'ordres occidentaux, de leur payer un salaire décent.