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Corée du Sud : Grève des travailleurs précaires chez Hyundai
Depuis le 15 novembre, les ouvriers précaires du numéro un de l'automobile coréenne, Hyundai Motors, sont en grève illimitée.
C'est au travail précaire (près de la moitié des emplois en production) que les géants coréens doivent leur fameuse compétitivité. En moyenne les précaires touchent des salaires inférieurs de moitié à ceux des permanents faisant les mêmes tâches, pour un horaire plus long. Ils n'ont aucune protection sociale, aucun droit sur le plan syndical et sont licenciables à merci sans indemnité.
Chez Hyundai Motors, plus de 8 000 des 42 000 ouvriers de production ont un statut précaire particulier - celui de sous-traitant sur site. En théorie, leurs employeurs sont des entreprises extérieures. Mais en fait les gérants ou propriétaires de ces entreprises sont souvent liés à l'encadrement Hyundai, et en tout cas elles ne font rien d'autre que louer de la main-d'oeuvre à Hyundai. C'est ce qui permet au groupe de tourner les accords collectifs couvrant les travailleurs permanents, sans avoir à en passer par les agences d'intérim, plus onéreuses.
La loi prévoit bien que, passé deux ans dans une entreprise, un ouvrier sous-traitant y a droit à un emploi permanent. Mais les grands groupes comme Hyundai l'ont toujours ignorée, avec la complicité de la justice.
Pourtant, en juillet dernier, la Cour suprême a fini par casser un jugement qui avait blanchi Hyundai d'avoir enfreint cette loi. Bien que symbolique, cette décision a été interprétée par de nombreux précaires comme annonçant la fin de la discrimination dont ils sont victimes. Du coup, les syndicats de précaires, qui menaient une existence quasi clandestine dans les trois sites du groupe, ont vu tripler leurs effectifs, qui ont atteint rapidement 2 500 adhérents.
À partir de ce moment, ces syndicats lancèrent une campagne pour la transformation de tous les précaires en salariés permanents, avec en particulier des prises de parole et des manifestations aux portes des usines, pour gagner le soutien des travailleurs permanents aux revendications des précaires.
Finalement le 15 novembre, suite à une provocation de plus, les précaires de l'une des cinq usines de montage du principal site du groupe, à Ulsan, occupèrent la chaîne de production de l'Accent, le nouveau modèle phare de la marque. La direction réagit par une mobilisation massive et conjointe de la police et de sa milice de cadres. Il n'en fallut pas plus pour que la grève se propage comme une traînée de poudre, gagnant non seulement les quatre autres usines de montage d'Ulsan, mais aussi les autres sites, Jeon-ju et Asan.
Trois semaines après ces événements, le mouvement se poursuit. À Ulsan même, 2 000 grévistes continuent à mener un sit-in permanent qui paralyse les chaînes de montage. Tous les jours, des manifestations de soutien sont organisées devant les trois sites. De son côté, lors de son congrès tenu le 22 novembre, le syndicat de la métallurgie KMU a décidé d'organiser parmi ses adhérents un vote sur une proposition de grève nationale de soutien à la grève des précaires d'Hyundai, pour décembre. À cette annonce, Hyundai a riposté en portant plainte contre les syndicats de précaires, exigeant des réparations se montant à 940 000 euros, tandis que le pouvoir émettait des mandats d'amener contre sept militants de la grève, qualifiée d'illégale.
C'est donc un bras de fer qui oppose le géant Hyundai aux précaires du groupe, mais son enjeu va bien au-delà du seul groupe Hyundai, et bien au-delà des seuls travailleurs précaires. Ce qui est en cause est aussi le fait que, depuis plus de deux décennies, la bourgeoisie coréenne impose ce type de surexploitation à l'ensemble de la classe ouvrière coréenne. Et, pour inverser ce rapport de forces, la classe ouvrière coréenne aura besoin de toutes les énergies qu'elle peut mettre en mouvement.