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République d'Irlande : La colère dans les rues de Dublin
Le samedi 27 novembre, à l'appel de la confédération syndicale unique ICTU, des manifestants venus des quatre coins de la république ont envahi les rues de Dublin pour affirmer leur opposition aux nouvelles mesures d'austérité annoncées dans le cadre du plan de « sauvetage » international organisé par le FMI et l'Union européenne. Depuis la grande manifestation du 21 février 2009 contre le deuxième plan d'austérité du gouvernement, on n'avait pas vu une telle démonstration de force dans les rues de la capitale : 100 000 manifestants selon les organisateurs, 50 000 selon la police, dans une ville qui ne compte que 500 000 habitants !
CONTRE LA DICTATURE DES BANQUES ET DES RICHES
Comme en février 2009, l'aspect le plus frappant de cette manifestation a été la participation massive de jeunes et de moins jeunes, peu habitués à descendre dans la rue, qui avaient apporté avec eux leurs propres pancartes manuscrites exprimant leur colère contre le parasitisme des banquiers et des promoteurs immobiliers, et aussi contre les politiciens corrompus qui les ont arrosés depuis trois ans aux dépens des fonds publics. Bon nombre de ces pancartes exprimaient également la colère contre la baisse annoncée du salaire minimum et les nouvelles attaques prévues contre les retraites et les allocations sociales.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si un grand nombre de ces manifestants se sont retrouvés derrière les banderoles d'organisations peu connues, avec lesquelles ils n'avaient aucun lien, mais dans les slogans desquelles ils ont pu se reconnaître. Ce fut le cas, par exemple, du regroupement d'extrême gauche « Le peuple contre le profit » ou encore du « Réseau 1 % », regroupement d'associations locales de chômeurs d'inspiration anarchiste, constitué récemment « contre la dictature des 1 % les plus riches qui contrôlent 34 % de la richesse du pays ».
LES ARRIERE-PENSEES DES LEADERS SYNDICAUX
Lors du rassemblement qui a conclu la manifestation, devant la grande poste de Dublin, les dirigeants de l'ICTU ont rappelé que c'est de son parvis que, en avril 1916, James Connolly, figure historique du mouvement ouvrier irlandais, avait proclamé l'indépendance de l'Irlande. Mais ils se sont bien gardés de rappeler que ce fut en tant que leader de milices ouvrières et au nom de la classe ouvrière, alors que la guerre impérialiste déchirait l'Europe, que Connolly avait fait cette proclamation.
Au contraire, la politique de l'ICTU est empreinte de nationalisme, faisant la promotion d'un « plan plus efficace et plus juste » qui, selon ses dirigeants, permettrait à l'Irlande de se tirer d'affaire « par ses propres moyens ».
Ce plan, ils se gardent bien d'en donner les détails. Mais il n'est pas difficile de deviner quelle teneur il pourrait avoir, quand on sait que ces mêmes leaders ont apporté leur appui aux deux précédents plans d'austérité qui ont frappé la classe ouvrière et même, dans l'accord dit de Croke Park signé en juin dernier, à une partie des attaques qui visent aujourd'hui les travailleurs du secteur public.
Les leaders syndicaux n'ont pas d'autre perspective à offrir aux travailleurs que de renverser la coalition au pouvoir lors des élections de janvier, et d'appuyer leur revendication d'une nouvelle « grande négociation » avec le futur gouvernement. Qu'importe si celui-ci sera probablement formé par une coalition du parti de droite Fine Gael et du Parti Travailliste, qui se sont déjà prononcés en faveur des mesures d'austérité prévues, voire de leur durcissement, comme c'est le cas du Parti Travailliste, qui juge insuffisant le nombre de suppressions d'emplois prévues dans le secteur public !
Il reste que la classe ouvrière irlandaise n'a peut-être pas encore dit son dernier mot. Si les dirigeants de l'ICTU se sont bien gardés d'annoncer de nouvelles initiatives permettant aux travailleurs de manifester leur opposition à ces attaques, de nouvelles manifestations sont prévues dans de nombreuses villes par les groupes de chômeurs et des syndicats locaux, et à Dublin le 7 décembre, lors du vote du budget au Parlement irlandais. En tout cas, ce n'est ni dans les bureaux de vote ni dans la « grande négociation » à laquelle aspire la direction de l'ICTU, mais dans les entreprises et dans la rue, que se jouera l'avenir.