Grève du zèle dans les tribunaux : Occlusion judiciaire22/09/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/09/une2199.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Grève du zèle dans les tribunaux : Occlusion judiciaire

Dix-sept syndicats ou organisations de professionnels de la justice, magistrats, greffiers et avocats, ont décidé de faire respecter la loi à compter du lundi 20 septembre, du moins la partie qui concerne l'organisation de la justice elle-même.

En effet, aujourd'hui les tribunaux siègent fréquemment avec un seul juge au lieu de trois, hors de la présence, pourtant obligatoire, d'un greffier et bien plus longtemps que les six heures d'affilée maximum réglementaires. La politique d'économies dans les services de l'État est passée par là, depuis la réduction du nombre de tribunaux jusqu'au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, en passant par les économies sur le chauffage, les ordinateurs, la documentation, etc. Non seulement les juges sont obligés de juger à la chaîne, sans pouvoir se pencher un minimum sur les affaires et surtout sur les gens qu'ils ont devant eux, mais ils doivent prolonger parfois leurs audiences dans la soirée et même la nuit. Les justiciables attendent ainsi leur tour des heures durant et redoutent de passer en dernier devant un juge épuisé et ayant hâte d'en finir.

Quant aux greffiers, chargés de mettre les choses par écrit, ils ne peuvent pas suivre la cadence et les dossiers s'empilent malgré les heures supplémentaires, gratuites évidemment. Le personnel administratif est en nombre insuffisant, les locaux souvent vétustes et suroccupés, le matériel obsolète. Ce service de l'État, comme bien d'autres, ne tient que sur le dévouement de son personnel, lequel commence à en avoir assez et le fait savoir par le mouvement actuel.

De plus le gouvernement exige du « chiffre » en matière de condamnations, ce qui entraîne une augmentation du nombre de procès. Les services du ministère de la Justice ont évalué à 40 % l'augmentation du nombre de condamnations à des peines inférieures à six mois. Dans ce même rapport, datant de 2009, ils constataient que 82 000 peines prononcées ne pouvaient pas être exécutées faute de moyens matériels. Il est vrai que l'important pour Sarkozy et Hortefeux est de pouvoir pérorer sur la sécurité et prétendre aligner des « résultats ». Dans ces conditions le fonctionnement de la machine judiciaire tourne à l'absurde, sans que la « sécurité publique » soit améliorée en quoi que ce soit. Sur les 637 665 condamnations pénales, avec inscription au casier judiciaire, prononcées en 2008, bien peu concernent des voyous avérés, des gangsters ou des assassins. La plupart du temps les tribunaux voient défiler les malheureux que cette société a délaissés ou broyés et dont elle ne sait plus que faire si ce n'est les enfermer quelque temps. 10 % des détenus sont en fait des malades mentaux profonds, d'après un rapport fourni cette année par le Sénat. Et combien d'entre eux ressortent de ce que les services de l'État appellent pudiquement des « cas sociaux » ?

Un appareil judiciaire placé sous la pression d'une politique sécuritaire, et de plus en plus dépourvu de moyens, est encore moins en état de rendre une justice humaine. C'est ce que dénonce avec raison une grande partie de son personnel.

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