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Dans le monde
Pakistan : Une catastrophe naturelle décuplée par les fléaux sociaux
Après deux mois de pluies torrentielles, la situation du Pakistan est catastrophique. Au 30 août, selon l'ONU, au moins 3,2 millions d'hectares, soit 14 % des terres cultivées, avaient été endommagés, près de 5 millions de personnes seraient totalement sans abri, 8 millions auraient besoin d'une aide d'urgence, 17 millions se seraient retrouvées jetées sur les routes et 20 millions auraient été peu ou prou touchées, pratiquement un huitième de la population.
Côté infrastructures, dont le pays manquait déjà cruellement, 4 000 km de routes et de voies de chemin de fer ont été emportés, des milliers d'écoles et de dispensaires ont été détruits, de même que le réseau électrique, de distribution d'eau ou de gaz de villes et de régions entières.
On dénombrait officiellement fin août 1 600 morts. Mais ce chiffre devrait dramatiquement grimper au fur et à mesure que le recul des eaux et le déblaiement de la boue met au jour les cadavres de personnes jusque-là classées disparues.
La pollution massive de l'eau, l'absence de nourriture des jours durant au plus fort des inondations, les difficultés d'approvisionnement ensuite, l'explosion des prix des denrées de première nécessité, cela s'ajoutant à la malnutrition chronique des populations les plus pauvres, les conditions sanitaires désastreuses, les cadavres non inhumés : tout cela fait craindre le développement d'épidémies. L'Unicef estime que la vie de 72 000 enfants est en danger imminent.
Partout en tout cas des causes sociales ou politiques décuplent la gravité de la situation.
Au nord et au nord-ouest, les combats dans les régions disputées aux talibans ont par exemple provoqué des déplacements et des regroupements des populations dans les vallées, près des rivières.
Au sud, dans le Sind, des membres pakistanais d'ONG décrivaient un système féodal, « issu du modèle colonial de l'Inde » dont faisait partie le Pakistan avant son indépendance en 1947. Là, de vastes populations de paysans en état de quasi-servage ont été totalement abandonnées de leurs seigneurs pendant cette catastrophe.
Des semaines durant, la télévision et les journaux ont rapporté des images et des récits de populations ainsi abandonnées à leur sort, montrant des hommes se jetant à l'eau pour quelques bouteilles d'eau en plastique ou quelques sacs de riz jetés à la volée d'un hélicoptère au-dessus de terres inondées, des familles campant sous des abris de fortune, sur des digues ou sur des éminences...
Car si l'armée pakistanaise, la force la plus solide d'un État corrompu, a la réputation d'être un État dans l'État, menant double jeu entre les États-Unis et les milices islamistes et les talibans, dure à réprimer des manifestations de rue, elle s'est montrée totalement dépassée par la catastrophe.
Mi-août, la presse a d'ailleurs rapporté des manifestations de colère de sinistrés contre l'incurie gouvernementale.
Côté puissances internationales, l'aide ne s'est pas pressée non plus. Après bien des appels, le déplacement sur place de son secrétaire général, Ban Ky Moon, fin août, l'ONU a annoncé avoir reçu un peu moins d'un milliard de dollars de promesses de dons. Reste à savoir ce qu'il en sera réellement de ces promesses. L'exemple d'Haïti montre qu'il y a loin de la collecte d'argent à l'aide aux populations sinistrées.
Les États-Unis ont annoncé 102 millions de dollars d'aide, selon le gouvernement pakistanais. Une somme dérisoire, eu égard aux besoins.
Alors qu'ils ont des troupes dans la région et qu'ils continuent la guerre au Pakistan même, ils ont envoyé, en deux temps, 6 puis 19 hélicoptères, qui ont évacué 8 000 personnes et acheminé 820 tonnes de fournitures, dont neuf dispositifs d'épuration de l'eau, principalement dans la vallée de Swat, disputée aux talibans et péniblement reconquise sur eux en 2009.
C'est peu. Mais le gouvernement français, lui, a fait beaucoup moins : il a envoyé un avion avec 60 tonnes de matériel et aurait promis 5,77 millions de dollars d'aide, se classant parmi les donateurs les moins généreux. Il est vrai que Sarkozy a envoyé une lettre à la Commission européenne l'exhortant à se montrer plus généreuse !