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Italie : La condamnation du sénateur Dell'Utri Le pacte Berlusconi-Mafia
Fin juin, le sénateur Marcello Dell'Utri, longtemps bras droit de Berlusconi, a été condamné en appel à sept ans de prison pour complicité d'association mafieuse.
Même si c'est moins que sa première condamnation à neuf ans de prison, et encore moins que la peine de onze ans réclamée cette fois-ci par le procureur, les juges l'ont donc reconnu coupable de complicité avec la Mafia au moins jusqu'en 1992, époque où les attentats organisés par celle-ci furent particulièrement sanglants et surtout dirigés contre l'État, avec entre autres l'assassinat des juges Falcone et Borsellino. Mais cette date butoir s'arrête opportunément avant la création du parti de Berlusconi, Forza Italia, dont Dell'Utri fut un des fondateurs.
Secrétaire particulier de Berlusconi, organisateur de ses projets immobiliers, président de sa régie publicitaire Publitalia, Dell'Utri aurait aussi organisé, avec l'accord de la Mafia, la protection de Berlusconi et de sa famille, dans les années 1970 ; il a ainsi hébergé dans une de leurs propriétés un mafieux, Vittorio Mangano. Lequel Mangano a fini par mourir en prison, en 2000, sans jamais dire « ce qu'on voulait lui faire dire », selon dell'Utri, qui le considère encore comme un héros !
Quant aux événements d'après 1992, date à laquelle commence l'activité politique de Berlusconi, la cour a estimé qu'il n'y avait pas de preuve d'un pacte entre Forza Italia et la Mafia. Pourtant un repenti a bien évoqué un tel pacte entre Cosa Nostra et Forza Italia lors de la création du parti de Berlusconi en 1994. Ce pacte aurait porté sur la révision des procès anti-Mafia, l'assouplissement du régime pénitentiaire des mafieux emprisonnés et l'arrêt de la saisie de leurs biens. La Mafia, privée de ses parrains politiques naturels démocrates-chrétiens affaiblis par les scandales, aurait permis à Forza Italia de se mettre en selle en lui fournissant de l'argent et des voix. Et effectivement, aux élections de mars 1994 mais aussi en 1999, le tout nouveau parti de Berlusconi fit le plein des voix en Sicile.
Dell'Utri, qui dit « se foutre de la politique » et n'y être entré que par « légitime défense », est encore protégé par son immunité parlementaire. Il attend avec confiance de passer en Cour de cassation, tout en s'offrant le luxe de dire de ces juges qu'ils sont « honnêtes mais sans courage ! » Ce qui n'est pas si mal vu... même si on l'interprète différemment.
Car, en évitant de mettre en cause Berlusconi lui-même, qui dénonce évidemment dans ces accusations une machination, les juges ont reculé devant le risque de provoquer une crise au sommet, dans un État dont la collusion avec la Mafia est une constante.