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Légalisation des jeux en ligne : Un pari sans risque pour les opérateurs
La loi d'ouverture à la concurrence des jeux et des paris sportifs sur Internet s'applique depuis le 8 juin. Auparavant, en l'absence de cette autorisation, un million et demi de joueurs pariaient déjà sur des sites en principe illégaux en France. Mais « il faut mettre fin au développement sauvage et anarchique des jeux d'argent et de hasard sur Internet », avait déclaré le ministre du Budget, François Baroin. Et d'ajouter qu'il fallait créer une « offre légale » obéissant à des règles et « associer à cela en complément des outils de lutte contre l'addiction et de protection des mineurs ». À entendre le gouvernement, qui préparait cette loi depuis plusieurs mois, il s'agissait d'une oeuvre de salubrité publique.
En réalité, il s'agit surtout, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence au niveau européen, qui sert de prétexte, d'ouvrir un marché à toutes sortes d'officines privées « bien de chez nous », et de le faire vite. Avec l'ouverture de la Coupe du monde de football, le « vite » est devenu urgent et les postulants à l'agrément officiel piaffaient d'impatience.
Jusqu'à présent l'État, sous couvert de la Française des Jeux, du PMU et en taxant les casinos, se taillait la part du lion avec le racket fiscal que représentent ses prélèvements sur les jeux de hasard. Entre 1991 et 2010, il a multiplié ses gains par quatre. Chaque année, il récupère ainsi cinq milliards d'euros de recettes fiscales. Il ne s'oublie pas avec la nouvelle loi, puisqu'il bénéficie lui aussi de l'élargissement des jeux à de nouvelles activités et qu'il continue à prélever sa dîme : 7,5 % sur les mises des joueurs pour les paris sportifs et hippiques, et 2 % sur le poker. En 2008, les paris en ligne illégaux pour le tournoi de tennis de Roland-Garros s'étaient montés à 400 millions d'euros. Dans l'immédiat, la Coupe du monde de football va être un terrain d'expérimentation sûrement très lucratif. D'ailleurs, on s'attend à ce que le football rafle 70 % des mises, évaluées, selon le secrétariat d'État aux Sports, à un ou deux milliards d'euros par an. De quoi aiguiser les appétits, et ils sont nombreux.
Les plus pressés de voir ce marché « s'ouvrir à la concurrence » sont les opérateurs français, dont la plupart travaillaient déjà à l'étranger. Certains s'allient avec la Française des Jeux ou le PMU pour exploiter ce nouveau filon. D'autres officines sont purement privées. La plupart ont comme point commun d'être des trusts, comme le groupe Amaury (propriétaire de L'Équipe et du Parisien et organisateur du Tour de France), Bouygues, Bolloré, Lagardère, Pinault, Bernard Arnaud, etc. Ils sont d'ailleurs aussi les meilleurs amis de Nicolas Sarkozy, à moins que ce ne soit plutôt Sarkozy qui soit leur ami.
Bref, au nom de la libre concurrence, des fragments du monopole d'État vont grossir les quasi-monopoles de cette bande d'affairistes. Et, eux, à tous les coups, ils gagnent.