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Russie : Après la tragédie de Raspadskaïa, les autorités se déchaînent contre les mineurs
Le 13 mai, cinq jours après la double explosion meurtrière à Raspadskaïa, une des plus importantes mines de charbon de Russie, les autorités ont abandonné recherches et secours, expliquant qu'il n'y avait plus d'espoir de retrouver âme qui vive.
Cette catastrophe, l'une des plus terribles depuis la fin de l'Union soviétique, a dévasté la mine jusqu'en surface, causant la mort de 66 mineurs et sauveteurs, ainsi que la disparition de 24 autres, selon les chiffres officiels. Le syndicat indépendant local des mineurs, qui conteste ce chiffrage, estime que plus d'une centaine de travailleurs ont péri sous terre.
Le 14 mai, après l'arrêt des opérations de sauvetage, 2 000 mineurs et leurs proches manifestaient sur la grand-place de Mejdouretchensk, la principale agglomération de la région.
Ils protestaient notamment contre les mensonges débités par les médias qui, contrepoint des larmes de crocodile répandues par le Premier ministre Poutine devant les caméras, avaient affirmé que, si la vie de mineur est risquée, la paie serait confortable. Des salaires de 80 000 roubles, l'équivalent de 2 120 euros, soit quatre fois le salaire moyen ouvrier en Russie, ont ainsi été évoqués, s'indignaient des manifestants sur une chaîne de télévision locale. Lors de ce reportage - présenté comme non censuré, mais les téléspectateurs s'en seraient doutés, vu les propos tenus - des mineurs ont expliqué qu'en réalité ils touchaient au mieux 35 000 roubles (920 euros). Et encore, à condition d'enfreindre la plupart des règles de sécurité pour atteindre les normes fixées par la compagnie Evraz du richissime Roman Abramovitch. Car, si l'on respecte ces règles, la paie tombe à 15 000 roubles (400 euros), un salaire bien insuffisant pour faire vivre une famille.
Les deux questions étant liées, la revendication d'un salaire minimum garanti de 25 000 roubles et celle du respect des règles de sécurité par la direction elle-même figuraient au premier rang des exigences des manifestants. Une façon de répondre par avance à Poutine - en fait, à ses menaces contre les mineurs - qui venait de promettre que la justice poursuivrait « tous les responsables » des infractions à la sécurité.
Interpellant le représentant local du Kremlin, le gouverneur de la région de Kemerovo, Aman Touléev, dont les locaux se trouvent sur la place centrale de la ville, les mineurs et leurs proches l'entendirent répliquer : « Nous n'allons pas nous mettre à vous défendre contre les milliardaires. » D'où la colère des manifestants, qui n'avaient même pas obtenu de garanties quant à leurs conditions de reclassement dans d'autres mines de la région (des questions de « voyous, de bout de gras et de vodka », selon le même gouverneur).
Alors, pour se faire entendre, plusieurs centaines d'entre eux décidèrent d'aller bloquer la ligne de chemin de fer voisine - une forme de protestation répandue en Russie.
Le temps de faire venir des OMON (les CRS russes) de régions voisines, car ceux de Mejdouretchensk ne semblaient pas disposés à frapper des gens qu'ils connaissaient et qui venaient d'échapper à la mort, les autorités leur ordonnèrent de dégager la voie. Les rares images qui ont été prises montrent des OMON abrités derrière d'immenses boucliers, se déchaînant à coups de matraques contre des hommes et des femmes sans défense. Des dizaines de blessés, 28 arrestations : le gouverneur Touléev justifie le tout en parlant de « provocation ».
Être sortis vivants d'une mine qui s'appelle Raspadskaïa (« effondrement », « ruine » ou « décadence » en russe) et exiger des autorités complices des directions de mine qu'elles garantissent des conditions d'existence décentes aux mineurs, c'est une provocation pour ceux qui gouvernent la Russie.