« Réforme » des retraites : L'escroquerie à la démographie21/04/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/04/une2177.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

« Réforme » des retraites : L'escroquerie à la démographie

L'argumentation de tous ceux qui proclament qu'il serait nécessaire de réformer les retraites, c'est-à-dire de la quasi-totalité des hommes politiques de la bourgeoisie, droite et gauche confondues, des économistes et des commentateurs qui leur emboîtent le pas, se veut de bon sens : l'allongement de la durée de la vie imposerait une telle réforme. Mais c'est une escroquerie car, s'il est vrai que le nombre d'actifs a diminué, le problème n'est pas là. Si les caisses de retraite sont menacées de déficit, la raison essentielle ne réside pas dans l'augmentation à venir du nombre des retraités, mais dans la diminution des rentrées destinées à alimenter ces caisses de retraite. Une diminution qui ne cesse de s'aggraver depuis près de quarante ans, et qui se détériore encore plus vite depuis l'explosion de la crise financière en 2007.

Pour maintenir ses profits, le patronat a réduit depuis des années les effectifs des entreprises, faisant produire autant, voire plus, par moins de travailleurs. Les plans de licenciements, les fermetures d'entreprises se sont multipliés, entraînant ces dernières années une augmentation massive du chômage. Et celle-ci est devenue une nouvelle arme aux mains des patrons pour refuser toute augmentation des salaires, en prétendant que ceux qui ont la chance d'avoir un emploi devraient s'estimer heureux.

La stagnation des salaires des travailleurs qui ont gardé leur emploi (c'est-à-dire leur diminution de fait, si l'on tient compte de l'inflation), les pertes salariales de la plupart de ceux qui ont retrouvé un travail, les maigres allocations de chômage de ceux qui y ont droit, la misérable aumône du RSA, sans compter le nombre grandissant de ceux qui ne sont plus indemnisés, de ceux qui essaient de survivre en courant de « petit boulot » en « petit boulot », ou avec des temps partiels imposés, tout cela explique les difficultés prévues pour l'avenir des caisses de retraite.

Or, qui est responsable des bas salaires, si ce n'est le patronat ? Qui est responsable des licenciements et du chômage, si ce n'est ce même patronat ? Qui est responsable de la généralisation de ces emplois qui obligent à vivre avec quelques centaines d'euros par mois, sinon le patronat et le gouvernement à son service ? La démographie n'est pour rien là-dedans. Et la justice la plus élémentaire voudrait que ce soient les responsables de cet état de fait, les industriels et les banquiers, dont les profits sont florissants malgré la crise, qui supportent les frais de cette situation.

Mais l'État, le gouvernement sont au service de ces industriels et de ces banquiers. Et les seuls qu'ils envisagent de faire payer, ce sont les travailleurs.

Le camp des gens qui nous gouvernent, c'est celui du patronat. On en a encore eu un exemple quand le 13 avril Peugeot-Citroën, qui avait pourtant reçu des millions d'euros de dons du gouvernement, sans compter des milliards d'euros de prêts, prétendument destinés à « défendre l'emploi », a annoncé la fermeture de son site de Melun-Sénart. Décision aussitôt entérinée par le gouvernement, sous le fallacieux prétexte qu'il ne s'agissait pas d'un site de production.

Mais les travailleurs auraient tort de compter sur une hypothétique victoire de la gauche aux prochaines élections pour s'opposer aux attaques que le gouvernement peaufine contre les retraites. Aucun gouvernement de gauche n'a remis en cause les décisions qui avaient été prises par la droite contre les retraites. Et aucun ne le fera dans l'avenir. Le président d'un « laboratoire d'idées » socialiste, un proche de Strauss-Kahn, formule ainsi sa position sur le problème des retraites : « Il va falloir demander des efforts à quelqu'un : les retraités ou les actifs » ! Mais ce prétendu socialiste n'imagine même pas de demander des efforts aux industriels et aux banquiers responsables de la situation.

« Sauver le régime des retraites », comme ils disent, en garantissant à chacun la possibilité de partir à soixante ans, avec un montant décent, il n'y a qu'une lutte déterminée des travailleurs, de l'ensemble des travailleurs, qui pourra l'imposer.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 19 avril

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