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- Lutte ouvrière n°2177
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Le COR sonne la réforme des retraites... mais révèle que le patronat a largement de quoi financer le système
Le dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR), tel qu'il a été répercuté par les médias, a frappé, tant il semblait épouser la propagande alarmiste du gouvernement qui veut imposer, d'ici la fin de l'été, la réforme des retraites souhaitée par le patronat. Mais, à trop vouloir prouver, le même rapport offre aussi des arguments à ceux qui estiment qu'il y aurait une autre façon de poser le problème des retraites que d'en faire peser tout le poids sur les classes populaires.
Créé en 2000, quand Jospin était Premier ministre, le COR associe parlementaires, représentants du patronat, des syndicats, de l'État et experts, mais il est placé sous l'autorité du Premier ministre et son président est nommé par le Conseil des ministres. En 2003, sous Raffarin, ses missions ont été précisées dans une loi qui a consacré et élargi son rôle de haut-parleur des orientations du gouvernement et de l'État.
Il lui est demandé de décrire les évolutions à moyen et long terme des systèmes de retraite, de chiffrer les besoins de financement et de faire connaître la façon dont les autres pays ont traité la question. Dans son dernier rapport, le huitième, le COR a fait du zèle, prétendant faire de la prospective à quarante ans !
Ce rapport pèche sur bien des points. S'il réajuste à 7 % le poids du chômage, contre 4,5 % dans ses rapports antérieurs, trahissant ainsi le fait que le gouvernement n'a pas l'intention de s'attaquer sérieusement au chômage, d'autres paramètres sont oubliés : il considère par exemple la population active stable jusqu'en 2050, avec une proportion identique de femmes, et semble ignorer qu'en 2007 le taux de fécondité est passé de 1,9 à 2,1. Mais on y trouve aussi de bonnes surprises.
Un des scénarios retenus par le COR a séduit le quotidien de droite Le Figaro, qui le juge le plus crédible. Le COR estime qu'en 2050 le besoin de financement des régimes de retraite serait de 115 milliards en euros constants (ce qui signifie qu'on ne tient pas compte de l'inflation dans cette période).
Ce montant, vu son importance, semble justifier la réforme du financement, telle que la prône le gouvernement, qui tourne autour des pistes de l'allongement du temps de cotisation et/ou de l'augmentation des cotisations des salariés, mais omet celle de l'augmentation de la part patronale ou de la taxation des profits patronaux.
Or le rapport précise que ces 115 milliards représenteraient 3 % du produit intérieur brut. En revanche, cela indique un PIB supérieur à 3 800 milliards de dollars, double du PIB actuel ! L'argent ne manquerait donc pas pour financer, outre les retraites, l'assurance-maladie, des augmentations de salaire, des réductions de temps de travail, l'amélioration des services publics et les investissements productifs, à condition toutefois de ne pas laisser les actionnaires s'emparer de la meilleure part de ce pactole !
Le patronat, trouvant sans doute l'affichage du chiffre du COR trop modeste, préfère faire savoir que, sans réforme, il y aura un « déficit cumulé de 2 600 milliards en 2050 ». Mais si on parle de déficit cumulé, il faudrait alors le comparer à quarante ans de PIB cumulé : on retombe alors sur les mêmes minuscules 3 % évoqués par le COR !
Autre mauvaise nouvelle pour le patronat et son gouvernement, c'est la croissance de la productivité dans les quarante ans à venir. Dans ses déclarations alarmistes, le gouvernement explique : « En 2010, il y a 1,8 cotisant pour un retraité ; il n'y en aura plus que 1,2 en 2050 et nous ne pourrons plus financer les retraites ». Sur ce point, le rapport du COR estime que la productivité augmentera de 1,5 % par an. En conséquence, dans les quarante prochaines années, la productivité sera multipliée par 1,8. Cela signifie que 1,2 cotisant de 2050 produira alors autant que 2,2 cotisants d'aujourd'hui et donc déjà plus que le 1,8 actuel !
Au-delà des querelles de chiffres, la question des retraites, comme toutes les revendications des travailleurs, est une question politique. La bourgeoisie française est riche. Ses caisses ne sont pas vides. Les mensonges véhiculés par les pseudo-experts et le gouvernement ont pour seul objectif de faire croire à la population que c'est à elle, et à elle seule, de faire des efforts supplémentaires pour toucher, au bout du compte, des pensions diminuées par rapport à celles de ces dernières années. Mais tant qu'à faire un effort, mieux vaudrait se mobiliser pour imposer que les retraites soient financées par ceux qui accaparent les fruits du travail humain, c'est-à-dire les classes possédantes, les banquiers et les industriels.