La Grèce et l'Europe : Un ersatz de solidarité31/03/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/04/une2174.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

La Grèce et l'Europe : Un ersatz de solidarité

Un plan de « sauvetage » de la Grèce, fruit d'un compromis laborieux en particulier entre la France et l'Allemagne, a été adopté par les pays de la zone euro.

Comme tous les États, la Grèce est endettée jusqu'au cou mais, à la différence des grands États, les banques ne lui font pas confiance et lui prêtent à des taux usuraires. Elle doit emprunter des sommes énormes - encore 35 milliards d'euros d'ici la fin de l'année - et elle s'enfonce dans une spirale sans fin qui pourrait bien déboucher sur la faillite.

Elle a appelé les autres États européens à la rescousse, et ils ont répondu par ce plan alambiqué qui révèle toutes les réticences de ces « sauveteurs » éventuels.

Le plan prévoit en effet que, si la Grèce ne pouvait plus se financer sur les marchés, chacun des États de la zone euro, proportionnellement à son importance économique, lui accorderait un prêt. Les Européens se chargeraient des deux tiers de l'aide, et prêteraient à un taux inférieur à celui du marché, mais pas trop bas. Les États de la zone euro, et en particulier le plus solvable, c'est-à-dire l'Allemagne, ne voulant pas être les seuls garants en cas de problème, le FMI prendrait en charge le tiers restant. Et il prête, lui, à un taux compris entre 1 % et 3 %. Il est prévu que ce plan s'applique « en dernier ressort ». Cette formule peut donner lieu à bien des interprétations. Mais elle met en évidence le fait que les grands États européens espèrent ne pas avoir à mettre en application les mesures qu'ils viennent de prendre, sauf si la situation de la Grèce - ou d'un autre pays fortement endetté - devenait tellement critique et contagieuse qu'elle menace la stabilité de l'Europe tout entière. Et encore, la décision de passer du virtuel au réel devrait se faire après une décision unanime de tous les États.

En réalité, ce plan est surtout fait pour rassurer les marchés. Olli Rehn, le commissaire européen chargé des Affaires économiques, a déclaré : « Si les marchés réfléchissent, ce plan devrait avoir un effet apaisant sur eux. Nous sommes prêts à le mettre en oeuvre ; nous sommes en alerte. » Et il n'a pas hésité à ajouter : « Nous avons maintenant le pistolet sur la table. Il s'agit d'un filet de sécurité pour la Grèce et la stabilité de la zone euro dans son ensemble. »

Pour le moment, on ne peut pas dire que ni le plan ni ces déclarations martiales aient produit leur effet. Le gouvernement grec a en effet lancé un nouvel emprunt le 29 mars. Il voulait récolter cinq milliard d'euros, il a reçu sept milliards de propositions. L'emprunt a donc été couvert, mais les marchés financiers se sont moins précipités qu'au début mars où leurs offres avaient été trois fois plus nombreuses que la demande. Et surtout le taux a été une fois de plus prohibitif : 6 %, deux fois plus cher que le taux auquel emprunte le gouvernement allemand, plus cher que les taux auxquels empruntent le Portugal (3,8 %) ou la Turquie (4,23 %). Le ministre des Finances grec, Georges Papaconstantinou, s'est déclaré satisfait en espérant, ou en faisant semblant d'espérer, que l'écart entre les taux diminuerait « graduellement ».

L'avenir le dira, mais les marchés ont déjà déclaré qu'ils trouvaient ce plan « opaque », histoire peut-être de faire comprendre aux gouvernements qu'ils n'avaient pas envie de céder d'un pouce sur leur politique d'argent cher. Cela démontre, s'il en était besoin, que ces marchés, c'est-à-dire quelques grandes banques, sont plus puissants que les États, qui en sont réduits à essayer de les amadouer.

De ce poker menteur, on ne sait pas qui gagnera, des banques ou des États. Mais on sait déjà qui perd : la population. Pour les travailleurs grecs, les hausses des prix, les coupes dans les salaires et les suppressions de postes dans la fonction publique, et par conséquent la dégradation des services publics, tout cela n'a rien d'opaque. C'est du concret, et de plus en plus difficile à supporter. La prochaine étape dans les attaques du gouvernement grec contre le niveau de vie des salariés, c'est la « réforme » des impôts et surtout celle des retraites. Le système des retraites est en effet considéré par les milieux financiers comme « le moins viable de toute l'Europe », c'est-à-dire pas encore assez catastrophique pour les travailleurs qui, en Grèce comme ailleurs, ne pourront se protéger qu'en résistant à la dictature des « marchés », c'est-à-dire des grandes banques et des fonds spéculatifs.

Partager