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- Lutte ouvrière n°2173
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Editorial
Le 23 mars ne doit être qu'un début !
Au lendemain du deuxième tour des élections régionales, chacun des camps y va de sa chanson.
La droite est bien obligée, cette fois-ci, de reconnaître que les résultats constituent un désaveu électoral du gouvernement et de sa politique. Ses ténors répètent que « le message a été entendu » mais pour ajouter que « les réformes continuent ». En d'autres termes, le gouvernement continuera à prendre de l'argent dans la poche de ceux qui en ont peu - salariés, chômeurs, retraités - pour donner à ceux qui en ont déjà beaucoup.
À gauche, ce sont des cris de victoire. Et déjà commencent les campagnes électorales suivantes : la présidentielle et les législatives qui s'enchaînent en 2012.
Mais, à part un court moment de satisfaction devant le désaveu électoral massif infligé au pouvoir en place, en quoi le résultat de ces élections pourrait-il changer le sort des travailleurs ?
Les Conseils régionaux seront dirigés dans leur quasi-totalité par la gauche ? Mais c'était déjà le cas auparavant, à une région près ! Et les Conseils régionaux n'ont pas été ces « boucliers » pour les plus pauvres que les dirigeants du Parti Socialiste décrivaient. Aucun Conseil régional n'a protégé les travailleurs contre les licenciements, l'envolée du chômage, et contre les mesures du gouvernement s'attaquant à l'emploi et à la protection sociale.
Et il n'y a pas de quoi se réjouir de cette « Gauche solidaire » en train d'émerger, agglomérant le Parti Socialiste, les écologistes et le Front de Gauche, évoquant déjà la perspective d'une victoire de la gauche à la prochaine élection présidentielle.
Droite, gauche, droite, gauche... l'écrasante majorité du monde politique est d'accord au moins sur une chose : faire marcher l'électorat populaire au pas, d'espoirs soulevés en espoirs déçus.
Car le souvenir de l'Union de la gauche sous Mitterrand et de la Gauche plurielle sous Jospin n'est pas vieux au point d'avoir fait oublier qu'à la satisfaction d'avoir renvoyé la droite haïe a succédé la déception de voir la gauche reprendre à son compte la politique de la droite. Et la désorientation avait nourri, déjà à l'époque, l'extrême droite antiouvrière du Front National qui retrouve aujourd'hui son électorat détourné un moment par Sarkozy.
Les élections finies, la crise continue et s'aggrave.
La grande bourgeoisie sait que, dans cette période de crise, elle ne peut assurer le niveau de ses profits qu'à condition d'aggraver l'exploitation dans les entreprises et d'obtenir du gouvernement qu'il détourne encore plus l'argent des services publics, de la retraite, de la protection sociale, afin de le consacrer toujours plus aux entreprises capitalistes. Cela promet plus de licenciements, plus de chômage, moins de paie, des conditions de travail plus difficiles.
L'État continuera à supprimer des emplois avec le non-remplacement de ceux qui partent à la retraite, quitte à aggraver tout à la fois le chômage et la dégradation des hôpitaux, des transports publics et de l'Éducation nationale.
Le prochain coup en préparation vise les retraites. En projetant de repousser l'âge de départ, le gouvernement aggrave une situation déjà aberrante, où on oblige de vieux travailleurs à s'user au travail toujours plus longtemps pendant que leurs enfants ne trouvent pas d'emploi.
Ce qui sera déterminant pour l'avenir, ce n'est pas le nom ou l'étiquette du futur président, c'est l'évolution de la crise et le rapport de forces entre le grand patronat et les travailleurs. La bourgeoisie ne laissera pas compromettre ses profits et ses revenus par un changement de majorité électorale. Et la « Gauche solidaire » n'osera pas plus affronter le grand patronat que ne l'ont osé l'Union de la gauche ou la Gauche plurielle.
Alors, le salut pour les classes populaires ne viendra pas des échéances électorales. Il viendra de notre capacité à réagir aux coups qu'on nous donne.
La journée du 23 mars a été l'occasion de manifestations importantes dans un grand nombre de villes, témoignant de l'étendue du mécontentement. Mais elle ne doit être qu'un début, car une telle journée ne suffira évidemment pas à changer le rapport de forces avec le grand patronat. Pour cela, il faudra une mobilisation croissante, entraînant de plus en plus de travailleurs, explosive au point d'inspirer aux classes possédantes une crainte salutaire pour leurs profits et même pour leurs capitaux.
C'est une telle mobilisation qu'il faut préparer, car elle seule pourra véritablement inverser le rapport de forces et obliger les capitalistes à faire eux-mêmes les frais de la crise qu'ils ont provoquée.