À propos du 8 mars : L'opposition aux droits des femmes, une vieille tradition de la réaction en France10/03/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/03/une2171.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

À propos du 8 mars : L'opposition aux droits des femmes, une vieille tradition de la réaction en France

« Dans l'élan de la pensée des Lumières, la France a fait des droits de l'homme une valeur universelle. Je vous propose qu'elle s'engage aujourd'hui dans le combat pour les droits des femmes », avait lancé le candidat Sarkozy pendant sa campagne de 2007. Il avait découvert que « les femmes ne sont pas encore des citoyennes à part entière » et affirmé qu'il donnerait « deux ans aux entreprises pour aligner les salaires des femmes sur ceux des hommes ». Les femmes, comme d'autres, attendent encore la réalisation de cette promesse. Il est vrai que Sarkozy a de qui tenir ; la droite française, en particulier, a un long passé de résistance face aux revendications d'égalité hommes-femmes.

Lors de la Révolution française, le féminisme d'un Condorcet qui ne voyait pas « pourquoi des êtres exposées à des grossesses ou à des indispositions passagères ne pourraient pas exercer les droits dont on n'a jamais imaginé de priver les gens qui ont la goutte tous les hivers ou qui s'enrhument aisément » était brocardé par Talleyrand, rétorquant que « l'Assemblée nationale invite les pères et les mères (...) à préparer les filles aux vertus de la vie domestique et aux talents utiles dans le gouvernement... d'une famille ».

Le code civil de 1804, que l'on doit à Napoléon, considéra les femmes comme « juridiquement incapables ». Pour lui, « la femme est notre propriété. Nous ne sommes pas la sienne ». Dès lors, la femme mariée allait être pour les deux siècles suivants une mineure soumise à son mari.

La révolution de 1848 amena la bourgeoisie française à remplacer le suffrage censitaire par le suffrage universel. Mais les femmes, qui avaient fait entendre leurs voix pendant l'année 1848, restèrent écartées de cette étrange « universalité ». Quant à la Commune de Paris de 1871, si elle ramena les femmes au premier rang de la lutte, la trop courte vie de ce gouvernement ouvrier l'empêcha de balayer le fatras patriarcal qui continua de peser sur la société française.

Si entre 1913 et 1935, de nombreux États du monde accordèrent le droit de vote aux femmes, le Sénat français fit de la résistance, bloquant six propositions dans ce sens entre 1919 et 1936. Pour un de ces sénateurs, « plus que pour manier le bulletin de vote, les mains des femmes sont faites pour être baisées ». Le gouvernement de Front populaire conduit par Léon Blum offrit bien trois postes de secrétaire d'État à des femmes... qui restaient privées de droit de vote, car il n'eut pas le courage politique de forcer la main du Sénat.

En 1920-1923, des lois scélérates interdirent toute propagande en faveur du contrôle des naissances, en même temps qu'elles condamnaient à de lourdes peines de prison les responsables d'avortement. Une loi de 1939 renforçait encore les peines en cas d'avortement. Après quoi, le régime de Vichy tira la société en arrière. Au nom de sa devise « travail-famille-patrie », la femme devait être exclusivement mère et épouse. C'est dans cet esprit qu'il inventa la Fête des mères, qui existe toujours. L'abandon du domicile conjugal par la femme fut plus sévèrement puni. La répression de l'avortement fut renforcée. Après 1942, il devint un crime contre la patrie.

Si le gouvernement De Gaulle accorda le droit de vote aux femmes en 1944, il maintint en revanche fermées aux femmes les portes des deux premiers gouvernements de la Quatrième République. De la même façon, il ne s'entoura que de collaborateurs masculins. Il expliqua à ce sujet à ses collaborateurs qu'il « ne se résolvait pas à la nouveauté qu'eût constituée pour lui une collaboration féminine »... « source de complications ».

Et si après son retour à la tête du pays en 1958, le gouvernement de Michel Debré de janvier 1959-avril 1962 compta une femme musulmane, ce fut sur l'insistance de Debré vis-à-vis d'un De Gaulle qui ne dissimulait pas son étonnement devant un tel choix. De même, De Gaulle écarta les femmes des postes de préfet, d'ambassadeur, de recteur ou de directeur d'administration centrale. En conséquence, l'école polytechnique resta fermée aux femmes jusqu'en 1971. De même, l'ENA, créée en 1945 et pourtant mixte, compta entre 0 et 5 femmes selon les promotions entre 1946 et 1966. L'inspection des finances résista à la mixité jusqu'en 1974.

C'est la mobilisation des femmes qui imposa en 1975 la reconnaissance du droit à l'avortement. Simone Weil fit accepter cette loi contre la mysoginie d'une partie de ses amis politiques, comme le gaulliste Pierre Messmer qui déclarait en 1973 : « À l'époque où tout le monde parle d'avortement, il est réjouissant de voir des mères de famille de douze enfants. » Une opinion qu'on pouvait retrouver en 1987 chez le député de Vendée, Philippe de Villiers, qui déclarait : « Par vos interruptions de grossesse, de plaisance ou de complaisance, vous avez assassiné Beethoven, Pasteur ou Charlie Chaplin. »

Bernard Accoyer et Pierre Lellouche furent parmi les députés de droite qui appuyèrent en 1993 une proposition de loi du Front National, voulant créer un salaire parental pour que les femmes retournent au foyer et ne fassent plus concurrence aux hommes en quête d'un emploi. Plus récemment, bien des politiciens de droite, et pas seulement Christine Boutin ou de Villiers, ont eu l'occasion d'afficher leurs idées réactionnaires lors des débats parlementaires sur le Pacs ou encore sur la révision de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse en 2000.

Au moment où, à l'occasion du 8 mars, tout le monde célèbre la journée des femmes, il reste encore bien des toiles d'araignée dans les têtes, en particulier parmi les représentants du parti au pouvoir.

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