- Accueil
- Lutte ouvrière n°2170
- Belgique - Carrefour veut supprimer plus de 1 600 emplois : Il faut relocaliser le profit dans les emplois et les salaires
Dans le monde
Belgique - Carrefour veut supprimer plus de 1 600 emplois : Il faut relocaliser le profit dans les emplois et les salaires
Mardi 23 février, le groupe Carrefour annonçait son intention de fermer 21 grandes surfaces en Belgique et de supprimer ainsi 1 672 emplois, soit 11 % du personnel. En réalité, le nombre d'emplois menacés est bien plus élevé, notamment dans l'entreprise K&N qui gère les centres logistiques de Carrefour.
Il y a aussi les nombreux restaurants et petits commerces établis autour des supermarchés menacés de fermeture.
Les autres membres du personnel sont sous la menace de réductions de salaire par le changement de commission paritaire (convention collective) ou la reprise par des franchisés, voire par des enseignes concurrentes de Carrefour, tel le groupe Mestdagh (Champion en Belgique).
Pour justifier son plan, la direction de Carrefour prétexte la perte de parts de marché, au profit notamment des chaînes concurrentes Delhaize et Colruyt. Et pour le faire passer, elle a adopté une communication catastrophiste : « Ça passe ou ça casse », selon l'expression du directeur de Carrefour Belgique, Gérard Lavinay, laissant planer la menace d'un retrait pur et simple du pays au cas où le plan ne serait pas accepté par les syndicats. En annonçant qu'ils voulaient « se battre pour que Carrefour reste en Belgique », les ministres ont donné à leur façon du poids au chantage de la direction de Carrefour.
Les directions syndicales et les médias attribuent les difficultés de Carrefour à « un échec de la stratégie commerciale », à « l'arrogance française » qui n'aurait pas su s'adapter au marché belge. C'est oublier que le chiffre d'affaires du groupe Carrefour a reculé dans tous les pays d'Europe de l'Ouest, où la crise et le chômage réduisent le pouvoir d'achat des consommateurs. Mais les travailleurs ne sont en rien responsables de la crise, et il n'y a aucune raison pour que les salariés de Carrefour payent de leurs emplois les choix de réorganisation du groupe et la volonté des actionnaires d'augmenter leurs profits en pleine crise mondiale.
Car le groupe continue de gagner de l'argent, tant au niveau mondial, où son bénéfice net est passé de 500 millions d'euros en 2008 à 380 millions en 2009, qu'au niveau belge, où le groupe réalisait encore 30 millions de bénéfices l'année dernière.
Et cela n'est sans doute que la partie émergée de l'iceberg. La presse révèle en effet que Carrefour Belgique à sorti un milliard d'euros de ses comptes à travers toute une série de filiales financières de la multinationale basées dans des paradis fiscaux. L'opération se serait répétée plusieurs années de suite, pour des montants similaires.
D'autre part, le groupe Carrefour a reçu plus de 130 millions d'aides publiques en 2009, sous le prétexte habituel « d'aider à la création d'emplois ». De telles révélations gênent les politiciens, qui annoncent qu'ils vont désormais « plus rigoureusement conditionner les aides et les incitations fiscales à la création d'emplois ». Mais ceux qui parlent ainsi sont les mêmes qui ont créé les possibilités légales de dissimulation, d'évasion ou de malversations fiscales, possibilités qui ont fait de la Belgique un paradis fiscal pour les multinationales...
Ainsi, le Centre de coordination de Carrefour, par exemple, a permis au groupe de rapatrier ses 380 millions de bénéfices mondiaux officiels en ne payant que 0,008 % d'impôts !
À l'appel des syndicats, la grève dans tous les magasins Carrefour samedi 27 février a été massivement suivie par le personnel. Mais les directions syndicales ne cherchent pas vraiment à empêcher les licenciements qui se préparent.
Le contrôle des comptes des entreprises et des banques par les travailleurs et la population, comme l'interdiction des licenciements, seraient des revendications vitales pour les travailleurs dans cette période de crise. On découvrirait alors qu'à Carrefour aussi les salaires sont sacrifiés au profit d'un même groupe d'actionnaires, qui sont présents dans Carrefour comme dans Champion (Belgique), avec parmi eux les familles belges Mestdagh et Frère. L'arrogance de ces exploiteurs, bien cachés derrière les montages financiers, n'est pas particulièrement « française », mais simplement patronale. C'est chez eux qu'il faut aller reprendre les profits pour maintenir l'emploi et les salaires.