Le gouvernement, on le sait, a annoncé son intention de réformer à sa façon le régime des retraites après les élections régionales. Le ministre du Travail, Xavier Darcos, s'est exprimé on ne peut plus clairement à ce sujet en déclarant : « Ça fait cinquante ans que nous gagnons un trimestre d'espérance de vie par an. » Suivez son regard !

À l'Assemblée nationale, il a répondu de cette façon à une question de Marie-George Buffet : « Quand vous parlez du problème des retraites, vous n'expliquez pas comment, avec un vieillissement de la population, avec une volonté de ne pas augmenter les cotisations et une volonté de ne pas toucher aux prestations, on peut faire autrement que de repousser l'âge de la retraite. »

Cette prétendue démonstration est complètement fausse. Tout d'abord la prolongation de l'espérance de vie d'un trimestre par an est certes excellente, mais représente peu de chose. Actuellement, l'espérance de vie moyenne pour les femmes et les hommes se situe quasiment à 80 ans. Un trimestre de plus par année, cela représente un gain de 0,31 % chaque année. Les années précédentes, ce pourcentage a pu varier un peu, mais il a toujours été très inférieur à l'augmentation parallèle de la productivité.

Et cette augmentation de la productivité, c'est ce qui est constamment absent des raisonnements ministériels. « Cela fait cinquante ans », dit Darcos, mais pourquoi ne dit-il pas de combien elle a grimpé durant ces mêmes cinquante ans ?

L'Insee publie chaque année des calculs sur la productivité par branche économique. Pour l'ensemble des industries, elle a gagné plus de 58 % durant la décennie 1950 à 1960, puis elle a plus que doublé (202 %) de 1960 à 1970. Elle a encore grimpé de plus de 55 % de 1970 à 1980, puis de 41,7 % en 1990 et elle a gagné 48,83 % de 1990 à l'an 2000.

Et lorsqu'on considère le demi-siècle qui va de 1951 à 2000, on constate que la productivité industrielle a fait un bond de 1 055,22 %, selon les chiffres officiels de l'Insee. (Et après 2000 cela n'a pas spécialement ralenti.)

Une heure de travail industriel a produit dix fois plus de valeur en 2000 qu'en 1950. Or l'espérance de vie n'a pas été multipliée par dix ! Les capitalistes ne cessent de confisquer à leur profit tous les progrès réalisés par le travail, par la technique, etc. Non seulement l'âge de la retraite ne devrait pas être prolongé, mais on devrait partir plus tôt.

D'ailleurs, dans les faits, les patrons le reconnaissent puisqu'ils mettent de préférence au chômage les vieux travailleurs, dont ils estiment qu'ils ne sont plus assez rentables. Et demander à ces derniers de partir plus tard à la retraite n'est qu'une manoeuvre pour faire baisser indirectement le montant des pensions de retraite, que les travailleurs âgés auront de plus en plus de mal à obtenir intégralement... si Darcos, Sarkozy et compagnie parviennent à leurs fins.