Dans les jours qui ont suivi le tremblement de terre en Haïti, télévision, radio, et presse écrite ont insisté, très lourdement pour certains, sur les pillages et l'insécurité. « Insécurité et désespoir », « violence et pillage », « les pillards font régner le terreur », tels étaient les principaux titres de certains journaux. Mais que montraient finalement les images télévisées ou même les reportages écrits ? Des « pillards » qui récupéraient du savon, des boîtes de corn-flakes, de quoi manger. Des images d'actualité montraient un homme dans une mare de sang, abattu... pour avoir volé du jus de fruit.

Certes, une telle catastrophe dans un pays déjà dévasté par la pauvreté favorise malheureusement toutes sortes d'exactions. Et la population haïtienne vit depuis bien longtemps dans la crainte de celles des bandes armées qui sèment la terreur dans les bidonvilles. Mais les pillards dont parlent certains journalistes sont de toute évidence des gens qui n'ont rien à manger depuis plusieurs jours, ne trouvent même pas d'eau potable et tentent seulement de survivre.

Ces mêmes journalistes bien pensants ont largement rapporté que la police haïtienne a fait feu sur des pillards. Dimanche 17 janvier, un homme qui avait volé des marchandises au marché Hyppolite de Port-au-Prince a ainsi été abattu. Mais à aucun moment, ils n'ont émis le moindre doute sur les jugements et les agissements de cette police, notoirement réputée pour sa corruption.

Cet accent mis sur le pillage semble vouloir justifier par avance le maintien de l'ordre à l'aide des forces armées à la gâchette facile. Et cela au moment où, face à la catastrophe, la majorité de la population haïtienne faisait preuve d'une très grande solidarité, et où des jeunes et des moins jeunes s'organisaient pour secourir les blessés, les gens encore coincés dans les décombres, pour dégager les cadavres des rues. Les témoignages dans ce sens n'ont pas manqué, comme celui du chef de mission pour Handicap International, Antoine Engrand, qui évoquait, dans le journal Le Télégramme du 19 janvier, l'attitude de la population « très solidaire, très digne ».

Mais il est tellement simple, quand on veut vendre du papier ou des images, de qualifier de pillards, voire de bandits, des gens qui se servent où ils peuvent simplement parce qu'ils n'ont plus rien.