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Leur société
Les papes : Tous des petits saints
Le 19 décembre le Vatican a décrété « vénérables » les papes Pie XII et Jean-Paul II, ce qui constituerait la première étape vers leur béatification. Pour Jean-Paul, l'affaire est simple. Le pape polonais est d'une part réputé avoir « libéré » à lui tout seul l'Europe centrale, et a en plus accompli un certain nombre de miracles incontestables : de nombreuses religieuses se sont senties beaucoup mieux après l'avoir approché, ce qui, par voie de conséquence, rend sa béatification légitime.
Il n'en va pas de même pour Pie XII, pape de 1939 à 1958, dont les commentateurs les mieux disposés à l'égard des bondieuseries soulignent tout de même le silence quant au régime nazi et à l'extermination des Juifs.
Pie XII, avant d'être pape, a établi et signé, en 1933, le concordat entre l'Allemagne nazie et le Vatican, apportant ainsi la reconnaissance, si ce n'est le soutien, de l'Église catholique à la dictature. Mais n'est-ce pas très exactement ce qu'ont fait à la même époque et pour les mêmes raisons les « grandes démocraties », la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis ? Pour tous les puissants du monde, y compris pour le Vatican, Hitler était un rempart contre le communisme et le mouvement ouvrier.
De même que Pie XI, son prédécesseur, avait signé un concordat avec Mussolini et laissé l'Église espagnole se ranger derrière Franco, Pie XII a maintenu le concordat avec l'Allemagne durant toute la guerre et laissé l'Église française soutenir Pétain. Là encore, rien de très étonnant, l'Église catholique était dans son rôle traditionnel de soutien à l'ordre établi.
Les critiques les plus virulentes portent sur le silence de Pie XII quant à la déportation et à l'extermination de six millions de Juifs. Mais les dirigeants d'alors étaient tous au courant de ce qui se passait et se sont montrés aussi discrets que Pie XII. L'Église catholique et son chef ne voyaient certes pas Hitler d'un bon oeil, car celui-ci faisait peu de cas de l'Église catholique. Mais, suivant une vieille tradition, elle « laissait à César ce qui est à César ». C'est-à-dire qu'elle s'accommodait de la manière dont Hitler exerçait le pouvoir.
Au-delà des simagrées religieuses, l'annonce de la béatification conjointe des deux papes est un fait politique. La hiérarchie catholique n'ignore rien du passé de Pie XII et s'attendait donc aux polémiques à son propos. Par là l'Église revendique donc l'attitude de ce pape vis-à-vis du nazisme.
Il est par ailleurs grotesque de trouver légitime la béatification de Jean-Paul II et condamnable celle de Pie XII. Car le nombre d'ignominies qu'un pape commet ou laisse faire ne dépend pas tant de sa personne que de son époque. Si Jean-Paul II, réactionnaire par fonction, n'est pas allé aussi bas que Pie XII, c'est seulement parce qu'il n'en a pas eu l'occasion.