Toulouse - procès AZF : Un déni de justice25/11/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/11/une2156.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Toulouse - procès AZF : Un déni de justice

Relaxe générale au bénéfice du doute ! C'est dans la stupeur générale que le tribunal correctionnel de Toulouse a rendu sa sentence jeudi 19 novembre, au procès de l'explosion de l'usine AZF.

D'abord, la société Total et son PDG Thierry Desmarets ont été mis hors de cause, parce que le magistrat instructeur avait refusé toute mise en examen les concernant, et le tribunal n'entendait pas remettre en cause cette décision. Mais après deux heures d'explications, on a appris également que la société Grande Paroisse - gestionnaire de l'usine AZF - et son directeur, Serge Biechlin, étaient relaxés.

Pour les centaines de sinistrés présents dans la salle, ce fut l'incompréhension, la stupeur, puis la colère et l'écoeurement. Ainsi il peut y avoir 31 morts, 20 000 blessés, des paralysés, des aveugles, des sourds, 1 000 appartements détruits, 50 000 endommagés, le quart d'une ville touché et... pas de coupable !

Ce jugement ne peut être compris que comme un blanc-seing pour toutes les catastrophes à venir. Les industriels peuvent tuer, blesser, détruire en toute impunité.

Mais si le délibéré qu'a rendu le tribunal de Toulouse est ahurissant, ses attendus, c'est-à-dire la justification de ce jugement, ne le sont pas moins.

Concernant la responsabilité de Total, le tribunal a affirmé que la filiale Grande Paroisse n'était plus qu'une coquille vide, et que son directeur n'avait aucune autonomie de manoeuvre par rapport à la direction de Total. Puis il a fait une charge très sévère contre l'attitude de la commission d'enquête interne constituée par Total, qu'il a accusée d'avoir dissimulé aux enquêteurs des faits, des pièces et des témoignages capitaux, dès les premiers jours de l'instruction. Le tribunal a mis à l'index « une manoeuvre grossière » des chimistes de Grande Paroisse qui auraient « cherché à tromper la religion du tribunal, démontrant là encore un parti-pris fort éloigné de la recherche de la vérité ».

Les attendus du jugement critiquent ensuite le fonctionnement de l'usine AZF, pointant les « défaillances organisationnelles » de ce site, et ses « dérives », notamment dans la gestion des déchets et le recours à de nombreuses entreprises sous-traitantes non formées. La liste des critiques est telle que le jugement prend des allures de réquisitoire.

Sur l'explosion, il estime très convaincant le scénario construit par l'enquête scientifique, qui affirme qu'une benne blanche a été remplie de résidus d'une centaine de sacs et a été déposée dans le sas du bâtiment 221, que des produits incompatibles qui s'y trouvaient mélangés ont alors explosé, initiant l'explosion des 300 tonnes de nitrates. Il estime ce scénario très probable mais... la justice ayant besoin de certitude, et faute d'une preuve certaine, il devait relaxer les prévenus au bénéfice du doute. En résumé, la relaxe s'imposerait parce qu'il manque à la justice les pièces que le prévenu a lui-même soustraites !

Dans cet imbroglio pseudo-juridique, il est difficile de comprendre les motivations réelles de chacun, mais la conclusion s'impose à tous : l'industriel est blanchi de tout soupçon. C'est insupportable, révoltant.

C'est sans doute pour calmer quelque peu ce sentiment grandement répandu dans la population que le procureur a fait appel de cette décision. Mais aucun délai n'est imposé, et il est probable qu'une autre juridiction conclura comme la première. Rien ne va faire resurgir la fameuse benne blanche pour que l'on puisse analyser sereinement sa composition : elle a disparu à tout jamais dans l'explosion.

Tout cela montre cruellement où est le vrai pouvoir dans cette société. Total est une des premières puissances industrielles en Europe. La dictature de ce pouvoir économique est déjà insupportable quand elle se traduit par des vagues de licenciements et la ruine de régions entières, mais elle est révoltante quand elle fait exploser une usine en ravageant le quart d'une grande ville.

Le procès devait être « pédagogique ». D'une certaine façon, il l'a été. La conclusion de cette infamie, c'est qu'un jour ou l'autre, par ses luttes et ses mobilisations, la population devra imposer sa propre justice, et surtout son contrôle direct sur les agissements et les décisions de tous ces grands groupes, afin de les empêcher de nuire.

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