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Leur société
EDF envoie des produits nucléaires en Sibérie : Secret sur des déchets débaptisés
Jamais l'opinion publique n'en avait entendu parler. Il aura fallu l'enquête d'une journaliste du quotidien Libération ainsi qu'une émission sur Arte pour que l'affaire soit révélée : cela fait des années qu'EDF vend en Russie quelques centaines de tonnes de produits radioactifs qui sont entreposés quelque part dans une petite ville sibérienne.
Non seulement EDF a soigneusement gardé le secret, mais les autorités russes également. La ville sibérienne de Seversk était il n'y a pas très longtemps une cité satellite de Tomsk (elle s'appelait Tomsk 7), ne figurait sur aucune carte officielle durant la période soviétique et, aujourd'hui encore, elle est interdite aux journalistes.
C'est là qu'une société russe spécialisée dans le nucléaire achète et dépose les produits radioactifs vendus par EDF, dans le but de les valoriser ultérieurement. Ils se trouvent à l'air libre, dans des fûts. En principe ils ne sont pas très dangereux car il s'agirait essentiellement d'uranium appauvri destiné à subir un traitement d'enrichissement. Toutefois, en cas d'accident et d'une dispersion, en cours de transport notamment (il y a 8 000 kilomètres entre la France et Seversk !), ces déchets pourraient se montrer très nocifs.
EDF a « résolu » à sa façon le problème en refusant de parler de « déchets radioactifs » mais « d'uranium de retraitement » ou encore « d'uranium recyclable » et en ne craignant pas d'affirmer « qu'aucun déchet nucléaire n'est transporté en Russie ». C'est manifestement jouer sur les mots ! Et EDF d'ajouter que ces « matières ne sont plus la propriété d'EDF mais de l'industriel russe » utilisant une argumentation analogue à celle de Total rejetant sur l'armateur la responsabilité du naufrage de l'Erika.
Lorsque le parc nucléaire s'est constitué, en France, cela s'est fait de façon tout à fait opaque, à la fois pour des raisons de secret militaire puisque touchant à la fabrication de bombes atomiques, et pour ne pas effrayer et provoquer un rejet de la part des populations. Aujourd'hui, bien qu'EDF et Areva se prétendent transparentes, c'est très loin d'être le cas. Cette affaire de déchets transportés en Sibérie, à raison d'une centaine de tonnes par an, durant semble-t-il une quinzaine d'années, sans que personne ne le sache, en témoigne.
Mais bien d'autres choses sont douteuses ou scandaleuses, concernant les rejets radioactifs, les doses que reçoivent le personnel qui s'occupe de l'entretien et du chargement des centrales nucléaires, des mineurs de l'uranium dans des pays étrangers, etc.
La secrétaire d'État à l'Écologie, Chantal Jouanno, se dit « favorable à ce qu'EDF fasse une enquête interne » sur ce sujet. Le problème c'est qu'avec EDF - et Areva - les enquêtes « internes » ne donnent rien, la preuve étant que c'est justement une enquête « externe » de la part de journalistes qui a révélé le pot aux roses.