Producteurs de lait, la colère et le désespoir23/09/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/09/une2147.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Producteurs de lait, la colère et le désespoir

Pour manifester leur colère face à l'effondrement des prix auxquels les industriels leur achètent le lait, estimé à près de 30 % depuis un an, les producteurs continuent la grève des livraisons aux usines de conditionnement ou de transformation ainsi que leurs opérations spectaculaires. Dans la seule journée du vendredi 18 septembre, plus de dix millions de litres de lait ont été répandus un peu partout en France. Dans plusieurs régions frontalières, les manifestants ont d'ailleurs été rejoints par des producteurs belges ou allemands qui connaissent les mêmes difficultés.

La plupart des producteurs sont bien conscients que ces destructions massives choquent une partie de l'opinion publique. Nombreux sont ceux qui disent ne pas être fiers d'en être arrivés là, qu'ils ne jettent pas de gaieté de coeur le fruit de leur travail, mais qu'ils n'ont guère d'autre choix que ces actions pour faire connaître largement leur situation désespérée. Les médias donnent d'ailleurs plus d'écho à ces rassemblements de tombereaux dispersant des centaines de milliers de litres de lait devant le Mont Saint-Michel ou à Bruxelles, qu'aux blocages des usines Lactalis, Danone et Entremont ou aux distributions gratuites de lait qui sont organisés dans le même temps.

Quoi qu'il en soit, on ne peut qu'être solidaires de ceux qui manifestent. Ce ne sont d'ailleurs pas les producteurs qui ont inventé la régulation du marché par la destruction d'une partie de la production. Cela fait des décennies que les dirigeants des pays européens poussent au développement de la production agricole, qui conduit régulièrement à une surproduction de certains produits. Surproduction qu'ils résorbent en éliminant une partie de la production, en dénaturant les produits pour les rendre inconsommables, ou en les détruisant. En ce qui concerne le lait, cela s'est traduit depuis 1984 par la mise en place de quotas de production, qui fixent pour chaque exploitation les droits à produire et garantissaient jusqu'à récemment encore un certain niveau de prix. Et tant pis si les vaches donnent plus de lait que prévu. Chaque année, ce sont ainsi des millions de litres qui partent dans les égouts ou les champs, puisque les éleveurs ne peuvent les commercialiser.

Cette politique n'a d'ailleurs pas empêché des dizaines de milliers d'exploitations de disparaître. Rien qu'en France, le nombre d'exploitations laitières est passé de 427 000 en 1984 à 90 000 aujourd'hui. Et en Europe, plus de 300 000 exploitations ont disparu au cours des trois dernières années.

C'est là un des aspects révoltants du mode de production et de distribution capitalistes. Tandis qu'à un bout de la planète, sous la pression des industriels de l'agro-alimentaire, les prix s'effondrent et ne permettent plus aux producteurs de vivre de leur activité, à l'autre bout, les mêmes trusts poussent des millions de gens à la famine en spéculant sur les produits alimentaires de première nécessité comme le riz, le maïs, l'huile ou le lait, ou en limitant leurs livraisons parce que ces populations n'ont pas les moyens de payer.

Mettre fin à ces gâchis et à ces famines est une urgence, qui confirme la nécessité de renverser ce système de production absurde et inhumain.

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