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- Lutte ouvrière n°2146
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Editorial
Une autre politique industrielle, c'est imposer le contrôle des classes populaires sur les entreprises et les banques
La fête de l'Humanité, toujours la plus grande fête populaire, a été l'occasion de nombreux débats politiques. « Comment créer un avenir à l'industrie française ? » était l'un des débats vedettes, auquel ont participé, outre un dirigeant syndical, un grand patron de la métallurgie et un banquier. Le choix des participants était déjà une orientation qui éclaire la revendication d'une « autre politique industrielle », souvent mise en avant comme un moyen de préserver les emplois et d'éviter les licenciements.
À coup sûr, la crise économique et l'attitude du grand patronat comme des États face à la crise sont désastreuses pour l'économie et pour la société.
Désastreuses pour les travailleurs, mis à la porte par les licenciements et les fermetures d'entreprises, poussés vers le chômage puis la misère. Désastreuse aussi pour l'ensemble de la société. Fermer des usines qui produisent des biens utiles, voire indispensables, mettre en friche des savoirs et des compétences, alors qu'il y a tant de besoins à satisfaire, est une des conséquences les plus catastrophiques d'une organisation économique basée sur le marché et la recherche de profit privé.
Qui peut croire cependant qu'il suffit de demander aux dirigeants d'avoir une autre politique ? Et qui peut croire surtout qu'il suffit de le demander aux véritables maîtres de l'économie, ceux qui en monopolisant le capital exercent une dictature absolue sur l'économie ? Depuis un an que la crise financière a éclaté au grand jour avec la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, on a vu les États déverser des centaines de milliards pour venir au secours des banquiers, en leur offrant en outre du crédit pratiquement gratuit et pour ainsi dire illimité.
S'en servent-ils pour relancer la consommation populaire ? Que non ! S'en servent-ils pour financer des investissements productifs ? Que non ! Et les grands patrons de l'industrie eux-mêmes se servent-ils des sommes qu'ils ont touchées de la part de l'État pour accroître le nombre d'emplois ? Que non !
Tout cet argent continue à servir surtout à la spéculation. Et même si politiciens et commentateurs s'extasient sur un début de reprise, cela ne signifie une reprise que pour les profits boursiers et pour les grandes opérations spéculatives. Mais les entreprises continuent à licencier et le chômage à augmenter !
Alors, parler de « politique industrielle » sans affirmer en même temps qu'il faut l'imposer à la classe capitaliste est, au mieux, parler pour ne rien dire. Défendre les usines, ce n'est pas défendre leurs propriétaires capitalistes ou en chercher d'autres. Ce sont eux qui démolissent l'industrie en consacrant les capitaux aux opérations financières plus profitables.
Une « politique industrielle » pour préserver les emplois, c'est l'interdiction des licenciements collectifs et des fermetures d'entreprises sous peine d'expropriation. C'est la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire. C'est soumettre les entreprises et les banques au contrôle de la population et les obliger à investir dans la production de biens utiles à la société. C'est utopique ? Oui, sans une mobilisation déterminée de la classe ouvrière et des classes populaires. Mais c'est moins utopique que de demander aux banquiers, aux actionnaires, de ne plus rechercher à maximiser leurs profits et de penser à l'intérêt de la société ! Autant demander du lait à un bouc...
Quant à brandir comme certains la revendication d'une « autre politique industrielle » pour l'opposer aux luttes concrètes, réelles, que mènent, dos au mur, les travailleurs des entreprises touchées par les licenciements et les fermetures, ce n'est pas seulement de l'utopie, c'est aussi une trahison.
Pour le moment, les travailleurs confrontés à la fermeture complète ou partielle de leur entreprise se trouvent dans un isolement dramatique. Mais ceux d'entre eux qui ont choisi la seule voie possible pour se défendre, celle de la lutte, ont montré que c'est elle qui paie, et pas la résignation.
Eh bien, disons-nous que c'est l'ensemble du monde du travail qui a le dos au mur avec, face à lui, tout le patronat que la crise rend plus avide encore ! C'est la violence même des attaques patronales qui nous en rendra tous conscients, comme elle nous rendra conscients que nous avons, tous ensemble, les moyens de nous défendre.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 14 septembre