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- Lutte ouvrière n°2144
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Dans le monde
Edward « Ted » Kennedy rejeton d'une famille de la grande bourgeoisie américaine
Le décès d'Edward Kennedy a donné lieu à de nombreux éloges de son « progressisme », sans compter toutes les litanies sur la place exceptionnelle de la famille Kennedy aux États-Unis, depuis la présidence de John Fitzgerald (« JFK »).
Les Kennedy sont en effet une « grande famille » de la bourgeoisie américaine. Les modestes origines irlandaises sont bien loin. À la fin du XIXe siècle, le grand-père des frères Kennedy était déjà un prospère négociant d'alcool à Boston, parlementaire du Massachusetts. Son fils, Joseph Patrick Kennedy Sr, fit fortune dans les années 1920, par la spéculation, mais aussi grâce à d'opportuns liens avec la mafia, à l'époque de la « prohibition », dont il anticipa habilement la fin. Devenu une des quinze ou vingt plus grandes fortunes américaines, il fut notamment ambassadeur à Londres au début de la Seconde Guerre mondiale. Sa sympathie pour un parti d'extrême droite américain, America First, et son opposition résolue à l'entrée en guerre des États-Unis contre un régime nazi qu'il appréciait, mirent fin à ses ambitions politiques, qu'il reporta sur sa progéniture, masculine s'entend.
Ses fils réalisèrent les espoirs du patriarche. En 1960, JFK fut élu président, et Robert son frère devint son ministre de la Justice, tandis que le troisième fils, Edward, « héritait » du siège de son frère aîné au Sénat. Si la légende du jeune et beau président est connue, l'envers du décor rectifie l'image. Aidé par la mafia et par d'opportunes fraudes électorales, JFK ne différa pas des Johnson, Nixon et autres Bush. Sous sa brève présidence, la présence de « conseillers militaires » (autrement dit, de soldats) au Vietnam passa de 900 à 16 000, entamant l'escalade de la guerre. En 1961, une expédition visant à renverser le régime de Fidel Castro fut organisée par la CIA et échoua lamentablement. Mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Des documents récemment rendus publics ont montré que sous l'administration Kennedy, la CIA avait organisé 163 opérations dans le monde. Par exemple, au cours de la seule première quinzaine d'août 1962, Kennedy demanda à la CIA de renverser le président nouvellement élu du Brésil ; il discuta de la façon de « liquider » les frères Castro, du renversement du gouvernement du Guyana et de l'envoi secret de forces paramilitaires non seulement au Vietnam, au Laos et en Thaïlande, mais aussi en Iran, au Pakistan, en Bolivie, en Équateur, en Colombie, au Venezuela, en République dominicaine et même en Chine.
JFK fut assassiné en 1963, son frère Robert en 1968, alors qu'il se préparait à se présenter à l'élection présidentielle. Edward, qui vient de mourir, aurait pu leur succéder, sans son implication dans un scandale macabre (en 1969, il fut condamné pour avoir pris la fuite après un accident de voiture au cours duquel sa passagère fut tuée). Il n'en fut pas moins sénateur pendant 46 ans. Si son activité législative est louée ces jours-ci, elle ne fut pas spécialement à « gauche ». Soutenant la « déréglementation » réclamée par le grand capital à la fin des années 1970, Ted Kennedy n'a jamais fait défaut à la bourgeoisie. Et s'il soutenait la mise en place d'une couverture-maladie universelle, c'était sous la forme de la prise en charge des soins par des assurances privées, subventionnées par l'État, comme au Massachusetts. Certes, comme 22 autres sénateurs, il vota contre la guerre d'Irak, mais pour celle d'Afghanistan. Opposé à Bush, il le soutint pourtant sur bien des points, y compris en votant la réforme de l'immigration de 2007, qui a certes régularisé de nombreux immigrés, mais a aussi sérieusement renforcé la répression de l'immigration clandestine. Et son engagement pour Barack Obama pendant les primaires démocrates est bien significatif de l'adoubement de ce dernier par la bourgeoisie américaine.