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Dans le monde
Afghanistan : Mascarade démocratique et guerre sanglante
Les élections du 20 août sont considérées comme un test par les puissances occidentales, un test justifiant le bien-fondé de leur intervention militaire. Elles veulent démontrer qu'avec les 100 000 militaires des troupes d'occupation (dont 3 000 Français) le pays est sécurisé au point que des élections libres et crédibles peuvent s'y tenir !
En fait de sécurité, les talibans ont montré qu'ils pouvaient frapper au coeur de la capitale, Kaboul. Deux jours avant le scrutin, un attentat suicide devant le quartier général de l'OTAN faisait 7 morts. Le lendemain, des roquettes tombaient sur le palais présidentiel et sur le quartier général de la police. Enfin 17 personnes ont été tuées dans l'attaque d'une banque en plein centre de la capitale.
Les talibans ont appelé au boycott des élections et menacé de représailles tous ceux qui y participeraient.
C'est dire que le 20 août Kaboul était véritablement en état de siège, plus encore peut-être que d'habitude, quadrillé par les tanks, les check-points, les patrouilles de militaires.
Finalement, la série d'attentats spectaculaires contre les bureaux de vote que les autorités redoutaient n'a pas eu lieu, si l'on se fie à la presse - mais elle avait interdiction de faire état des violences, pour ne pas affoler les électeurs ! On a tout de même su qu'il y avait eu une trentaine de morts ce jour-là.
Crédibles, les élections ?
Point n'a été besoin pour les talibans de prendre d'assaut les bureaux de vote pour que la participation soit très faible. Non seulement quelque 700 bureaux de vote n'avaient même pas pu être installés, mais de nombreux autres sont restés fermés. Il semble bien que ceux qui ont été ouverts ont été peu fréquentés. Dans le Sud, certaines estimations avancent 10 % de participation. Même dans la capitale, des témoignages sur la faible fréquentation des bureaux de vote laissent douter d'une participation globale annoncée de 40 à 50 %. Le Parisien cite « une source diplomatique anonyme » qui estime la participation de 25 à 35 %. Bien que les premiers résultats ne doivent être connus que le 3 septembre, et les résultats définitifs le 17, Hamid Karzaï s'est déjà proclamé vainqueur avec plus de 50 % des suffrages. Manque de chance, son principal rival a annoncé la même chose et dénonce des fraudes massives : refus d'inscription sur les listes électorales, mais 5 millions d'inscrits de plus que le nombre de personnes en âge de voter, ventes de cartes d'électeur, achats de voix, abus d'identité avec les cartes d'électeur des femmes qui ne comportent pas de photos, et surtout bourrage massif des urnes, etc.
Cela n'empêche pas la commission électorale (nommée par Karzaï) et les puissances occidentales de se féliciter de la tenue de ces élections. Et ceux-là mêmes qui ont dénoncé la farce électorale en Iran se félicitent des progrès de la démocratie en Afghanistan ! Kouchner avait déclaré avant les élections que « l'important c'est que les élections aient lieu ». Peu importe pour ces messieurs qu'il s'agisse d'une tragique mascarade, dans un pays déchiré par la guerre. Peu importe que la démocratie en question consiste à garder à la tête du pays le même personnage corrompu et sanguinaire, tout aussi réactionnaire que les talibans. Il a récemment ratifié une loi imposant aux femmes « de satisfaire les pulsions sexuelles de leur mari et de recevoir leur autorisation pour sortir de chez elles » ! Dans l'espoir de l'emporter dès le premier tour, Karzaï a fait alliance avec des seigneurs de guerre tout aussi corrompus et sanguinaires, criminels de guerre et trafiquants d'opium. Quel beau progrès démocratique que la population soit appelée à voter pour de tels bandits...
Voilà les contorsions auxquelles nos dirigeants se livrent pour donner une respectabilité à la sale guerre que les puissances occidentales mènent en Afghanistan.
À bas l'intervention militaire !
Kouchner, toujours lui, justifie cette guerre en prétendant que « la sécurité de la France se joue en Afghanistan » ! Il reprend ainsi à son compte les mensonges de Bush, répétés maintenant par Obama, qui veut faire croire qu'il faut empêcher l'Afghanistan de devenir « un sanctuaire plus grand encore, d'où Al-Qaïda pourra comploter le meurtre de plus d'Américains ». On peut constater que la guerre menée depuis près de huit ans par les armées de la coalition n'a fait que répandre la terreur et la désolation, et a renforcé le camp des talibans qu'elles prétendaient combattre.
Et, contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire, la population ne fait pas une exception pour les soldats français. Le colonel Chanson, responsable des troupes françaises au nord-est de Kaboul, a affirmé au Journal du Dimanche : « On ne peut pas dire qu'on est plus aimé que les Américains quand on essuie des tirs tous les deux jours. Je ne conçois pas de quitter l'Afghanistan sans une amélioration pour la population. Mais il faudra encore quelques années avant de pouvoir enlever casque et gilet pare-balles et de s'asseoir avec des locaux. » Dans cette même province, un membre du Conseil provincial reconnaît que « les gens ici souffrent beaucoup de la situation, des bombardements, des patrouilles militaires, de l'insécurité. Ils se sentent abandonnés par le gouvernement. Alors ils tournent le dos aux forces étrangères et certains rejoignent les rangs des insurgés. »
C'est dire que la présence des troupes étrangères, loin de ramener le calme, alimente le désespoir et suscite des vocations de volontaires pour les attentats suicides.
Le retrait des troupes françaises et celles de toute la coalition est une nécessité urgente.