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- Lutte ouvrière n°2138
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Editorial
La violence n'est pas du côté des travailleurs en lutte mais du côté du patronat
D'après le quotidien économique Les Échos (du 20 juillet), dont le coeur ne bat pas précisément à gauche, « la radicalisation des conflits sociaux inquiète la majorité ». Après que des patrons ou des cadres supérieurs ont été retenus quelques heures par leurs salariés en colère au printemps dernier - ce qui avait été abusivement qualifié de « séquestrations » - c'est l'affaire des bouteilles de gaz mises en place par les travailleurs licenciés de New Fabris, de Nortel et de JLG, qui inquiète les défenseurs des intérêts patronaux. D'autant que les salariés de JLG ont obtenu en partie satisfaction. Ce qui amène la députée UMP du Haut-Rhin, Arlette Grosskost, à proclamer : « C'est catastrophique. Il faut être vigilant à ne pas encourager la délinquance ». Parce que pour elle, les travailleurs qui refusent de partir au chômage avec des indemnités dérisoires sont des délinquants, alors que les patrons qui licencient pour maintenir ou même augmenter leurs profits seraient d'honorables citoyens !
La pire violence n'est pas du côté des travailleurs qui défendent leur droit à l'existence, mais du côté d'un patronat pour qui les salariés leur ayant permis par leur travail d'accroître leur fortune ne sont qu'une « variable d'ajustement ». On peut les jeter à la rue sans ménagement, en ne leur payant que les maigres indemnités légales (quand le patron n'a pas disparu en mettant les clefs sous la porte, ou ne s'est pas déclaré en faillite) sans se soucier de savoir ce qu'ils deviendront, si dans leur région, à leur âge, usés parfois par des années d'exploitation, ils ont la moindre chance de retrouver un emploi. La pire violence elle est aussi du côté des hommes politiques qui justifient ce système inique.
Mais pour ces gens-là, céder aux revendications des travailleurs, c'est donner le mauvais exemple. « Ça fera forcément tache d'huile », déplore Michel Raison, député UMP de la Haute-Saône. Et d'oser une comparaison qui prouve quel mépris éprouve ce monsieur pour le monde du travail : « Dans une famille, quand on donne une part de gâteau supplémentaire à un enfant qui hurle plus fort que les autres, ça incite les autres à faire pareil ». Car en fait de partage du gâteau, ceux qui en accaparent de très loin la plus grosse part, en hurlant quand même pour que l'État fasse encore preuve de plus de largesses à leur égard, ce sont les patrons.
Autre sujet d'inquiétude pour ces défenseurs du capitalisme : « On a l'impression que les syndicats ne contrôlent plus des salariés dont l'angoisse est au summum » constate Laure de la Raudière, chef d'entreprise et députée UMP d'Eure-et-Loir. Et c'est vrai que si les militants syndicaux des entreprises touchées par des licenciements massifs sont le plus souvent engagés dans l'action aux côtés des travailleurs du rang, ils n'ont pas toujours l'aval de leurs directions confédérales, plus soucieuses de rechercher des accords autour du tapis vert avec des patrons qui n'ont l'intention de céder sur rien, plutôt que de s'efforcer d'organiser une riposte d'ensemble de la classe ouvrière.
Les dernières journées d'inaction proposées par ces confédérations, en juin dernier, en témoignent, et ceci explique justement qu'elles n'ont guère d'influence sur les luttes des travailleurs touchés par les licenciements.
Les travailleurs qui, dans leurs entreprises, luttent pour partir avec des indemnités leur permettant vraiment de voir venir ont mille fois raison, quelles que soient les armes qu'ils sont contraints d'employer. Mais ce qui est vital pour la classe ouvrière, c'est d'engager une lutte d'ensemble contre les attaques du patronat et du gouvernement, c'est d'imposer l'interdiction des licenciements, la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire. Et si les directions confédérales ne veulent pas s'orienter dans cette direction, il faudra bien que les travailleurs fassent sans elles.
Tôt ou tard la colère du monde du travail éclatera. Et les serviteurs du patronat ont bien raison de s'en inquiéter.
Éditorial des bulletins d'entreprise du 20 juillet