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- Lutte ouvrière n°2134
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Lear - Lagny-le-Sec (Oise) : Les travailleurs ont eu raison de se battre
Tout au long de la grève, ce furent sans cesse les mêmes déconvenues pour les salariés de ce sous-traitant qui fabrique les sièges pour l'usine de PSA d'Aulnay. Dès le premier jour de grève, Lear et PSA envoyaient un huissier. Le lendemain, ils assignaient les ouvriers à comparaître devant le tribunal de Senlis pour expulsion. Sans doute pensaient-ils que cela suffirait à faire rentrer les salariés dans le rang.
Et puis ils ont usé et épuisé tout l'arsenal dont disposent les patrons pour essayer de casser cette grève : quatre assignations en justice au total, le lock-out de l'usine, 109 lettres de licenciements économiques au 4 mai, puis quinze licenciements pour faute lourde, le 6 mai évacuation par 80 gendarmes mobiles, puis utilisation de vigiles pour occuper l'usine dont les salariés ont vite repris possession, d'interminables fausses négociations, etc.
Pendant onze semaines, ces ouvriers ont non seulement tenu bon mais ils ont appris à s'organiser avec un comité de grève et des assemblées générales régulières.
Ils ont appris à défendre leur cause à toutes les portes : celle du sous-préfet de Senlis, du préfet de l'Oise, du député de la circonscription, du président de Région, du cabinet de Luc Chatel, secrétaire d'État à l'Industrie, du ministre du Budget, Éric Woerth. Et à mesurer combien tous ces messieurs savaient manier les belles paroles pourtant toutes restées lettre morte.
Les travailleurs de Lear se sont fait entendre dans des manifestations, et bien plus en allant à la rencontre d'autres travailleurs, par exemple devant l'usine PSA d'Aulnay, ou avec les travailleurs du groupe Tréves à Crépy-en-Valois et ceux de Continental à Compiègne ou ceux encore de Molex venus à Paris.
Durant ces longues semaines de grève, une bonne centaine de travailleurs ont fait des expériences, mesuré leur force dans des actions collectives, même si au total, ils ne disposaient pas d'un rapport de force assez conséquent pour faire reculer Lear et surtout PSA le donneur d'ordre.
Du côté de la direction de Lear comme de celle de PSA, on ne s'attendait pas à une telle détermination de la part des ouvriers. Ils ont voulu faire de cette grève un exemple, cela s'est transformé finalement en contre-exemple. Car bien que peu nombreux, en étant organisés et déterminés, les grévistes ont mis deux grands groupes en échec.
PSA a continué à faire sortir ses mille véhicules par jour des chaînes d'Aulnay pendant un mois, sans sièges. Ensuite il a fait venir des sièges d'Espagne et les a montés en catastrophe dans des hangars à Cergy-Pontoise. PSA a reconnu avoir eu jusqu'à 18 000 voitures C2 ou C3 sans sièges, donc invendables. Il en reste plus de 10 000 entassées sur les parkings d'Aulnay. Au total cela aura coûté bien plus cher à PSA que s'il avait donné aux 316 salariés des indemnités en rapport avec le préjudice de leurs licenciements.
Mais les travailleurs auront eu quand même, en plus des indemnités légales, 15 000 i d'une première grève en janvier (et 18 000 pour ceux de plus de 10 ans d'ancienneté), et pour cette seconde grève 8 500 i supplémentaires. Les salariés qui acceptent leur transfert vers l'usine de Cergy le feront sans baisse de salaire, contrairement à ce que voulait leur imposer la direction. Ils auront en plus une prime de déplacement. Les deux mois de préavis seront payés intégralement, même pour les 109 personnes licenciées pendant la grève.
Au total, PSA a perdu beaucoup d'argent et les travailleurs se sont fait respecter et ont gagné leur dignité.