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Dans le monde
Espagne : À l'heure du chômage galopant
Dans un pays où les aides sociales sont parmi les plus faibles d'Europe, où un million de chômeurs ne perçoivent pas d'allocation, la situation commence à se détériorer gravement pour les travailleurs les plus pauvres, entre autres les immigrés ; un demi-million étaient déjà restés sans travail en 2008.
L'éclatement de la bulle immobilière est l'une des causes majeures de cette explosion du chômage. En Espagne, plus encore qu'ailleurs, la « brique » était la manière la plus facile de gagner de l'argent pour les constructeurs, l'immobilier et les grandes banques. Ce secteur s'appuyait sur les municipalités, qui requalifiaient des terrains d'utilisation agricole ou industrielle en utilisation urbaine, valorisant ainsi leur prix. Les propriétaires de terrains, les entreprises, pressaient les édiles en place pour qu'ils requalifient leurs terrains, qui pouvaient ainsi doubler de prix. Au début les appartements construits coûtaient quelque 120 000 i, mais en dix ans le prix a doublé. Le crédit relativement bon marché a facilité cette augmentation des prix.
Une des conséquences de ce boom a été la corruption politique qui a éclaboussé tous les partis, et surtout le PSOE et le PP. Cette corruption se retrouve au niveau des affaires municipales. Le meilleur exemple en est Marbella, près de Málaga en Andalousie, dirigée pendant une décennie par un mafioso aujourd'hui décédé, qui avait créé son propre parti. Le scandale a éclaté au moment précis où éclatait la bulle.
Le frein à la construction a été tellement brutal que le chômage a été immédiat. Depuis juin 2008, mois du début des fermetures d'entreprises, 600 000 maçons se sont retrouvés au chômage. Les services ont suivi ainsi que l'industrie, dans l'automobile en particulier.
Le patronat a procédé à des mises au chômage technique, total ou partiel. Au premier trimestre 2009, 180 000 travailleurs ont été ainsi touchés et, d'après l'estimation même du gouvernement, 620 000 travailleurs seront concernés par un plan de chômage partiel entre octobre 2008 et décembre 2009, et 250 000 d'entre eux seront finalement licenciés.
Face à cette situation, le gouvernement de Zapatero a avancé une série de mesures, reprises pour beaucoup à la droite, et d'où sont naturellement absentes la défense des chômeurs et la lutte contre les licenciements. Parmi les mesures phares, il y a la prime à l'achat allant jusqu'à 2 000 i pour toute voiture neuve, la baisse de l'impôt sur les bénéfices pour les entreprises de moins de 25 salariés et l'offre aux écoles d'un ordinateur portable pour chaque enfant scolarisé.
Quant aux syndicats majoritaires (Commissions ouvrières et UGT), parlant du « moindre mal » que serait le renvoi temporaire des travailleurs en CDI, ils ont aussi accepté le renvoi des travailleurs en CDD ou de la sous-traitance. Là où ils sentent monter le mécontentement, ils organisent des actions limitées, ville par ville ou entreprise par entreprise. Celles-ci, comme en janvier à Saragosse ou en février pour l'automobile, ont été un succès, au vu du dynamisme et du nombre de travailleurs mobilisés. Mais il faudra plus que ces journées éparpillées et sans lendemain pour donner au monde du travail une perspective de défense de ses intérêts.