Le Premier ministre François Fillon s'est entouré d'une belle brochette de patrons français pour son premier voyage en Afrique, du 20 au 22 mai. Christophe de Margerie, le patron de Total, en faisait partie. Après une visite éclair au Cameroun, le Premier ministre français a surtout fait escale au Nigeria, où les intérêts français sont nombreux.

Ce pays anglophone est l'un des principaux pays producteurs de pétrole : le 5e producteur de l'Opep et le 12e producteur mondial. Shell se taille la part du lion dans la prospection et la production pétrolières ; viennent ensuite d'autres multinationales comme Mobil, Texaco, Chevron, Agip, Esso. Total se situe à la quatrième place et son influence ne cesse de croître. La compagnie française exploite un nouveau gisement pétrolier offshore, à 200 km au large de Port-Harcourt, et entend doubler sa production dans les prochaines années.

Lors de sa rencontre avec le président nigérian Uman Musa Yar'udua, Fillon a proposé d'aider le Nigeria à lutter contre la piraterie dans le delta du fleuve Niger, à sécuriser les routes maritimes et à assurer l'exploitation des plates-formes offshore au large des côtes nigérianes. L'objectif du gouvernement Fillon étant bien entendu de protéger en priorité les intérêts français. Pas un mot en revanche sur l'aide que pourrait apporter la France aux deux millions de malades du sida. Ce n'était pas l'objet du voyage.

Quand Fillon évoque « les grands bandits » qui sèment la terreur dans le delta, il ne pense pas aux grandes compagnies pétrolières qui pillent depuis des décennies les richesses pétrolières et gazières du Nigeria, polluant l'eau et l'air du delta et réduisant ainsi à la famine les populations des villages qui vivent de la pêche ! Ces mêmes compagnies pétrolières ont dans le passé fait assassiner les leaders du peuple Ogoni, qui dénonçaient le pillage du delta par les militaires nigérians. Non, Fillon pense surtout aux rebelles du Mend (Movement for the emancipation of the Niger delta), qui posent problème aux grandes compagnies pétrolières. En gênant l'exploitation du pétrole, la rébellion leur fait perdre des centaines de milliers de dollars. Elles doivent investir d'importantes sommes dans la protection des plates-formes, des personnels expatriés qui doivent vivre dans des véritables camps retranchés.

Le soutien de la France renforce ainsi la dictature, dont l'armée a récemment massacré des civils de la population Ijaw accusée de soutenir les rebelles. Fillon, qui se targue d'être un « démocrate », appuie l'une des pires dictatures d'Afrique de l'Ouest.