Pour le Premier ministre de Sarkozy, c'en était trop. Que le groupe Total annonce 555 suppressions d'emplois au moment même où il s'enorgueillit d'un profit record en 2008, de près de 14 milliards d'euros, pas de problème. Mais que des voix s'élèvent pour contester vaguement cette décision inadmissible, y compris avec quelque hypocrisie, au sein de son propre gouvernement, alors là, il fallait intervenir d'urgence.

C'est ce qu'a fait résolument Fillon, en visite dans la Drôme le 13 mars. Il a remis à sa place son secrétaire d'État à l'Emploi, Laurent Wauquiez, qui s'était déclaré « scandalisé » par les suppressions d'emplois annoncées et avait demandé à Total de « faire un geste » pour « l'apprentissage et l'emploi des jeunes ». Chevauchant le même thème, le porte-parole du gouvernement Luc Chatel, puis le chef de l'UMP, Xavier Bertrand, y étaient allés également de leur note désapprobatrice.

Remettant donc tout le monde dans le rang, Fillon a déclaré ne pas faire « partie de ceux qui se livrent au sport national qui consiste à dénigrer une des plus belles entreprises françaises, une de celles qui investissent le plus, une de celles qui créent le plus d'emplois et une de celles qui rapportent le plus de richesses à la France ».

Il aurait été inattendu d'entendre le chef de ce gouvernement... totalement au service des groupes capitalistes émettre le moindre doute sur ce qui n'est après tout que leur logique de fonctionnement. Que Total finance des guerres civiles et soutienne des dictatures, comme au Congo ou en Birmanie, pillant les richesses pétrolières, quitte à faire appel au travail forcé, pas de problème. Que Total provoque des catastrophes humaines ou écologiques, avec l'explosion d'AZF, le naufrage de l'Erika ou les fuites dans l'estuaire de la Loire, pas plus de réaction. Alors, que Total supprime des emplois pour augmenter encore ses bénéfices, déjà en hausse de 12 %, quoi de plus banal pour un défenseur du capitalisme !

L'avenir dira peut-être si, en remerciement de son zèle, Fillon obtiendra, en vue des courses en bolides automobiles dont il est si friand, des bons d'essence gratuits. En tout cas, celui que Sarkozy - après tout non sans quelque raison - considérait paraît-il comme un « fayot », vient déjà de remporter, à défaut du prix des 24 heures du Mans, celui du Total larbin.