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Leur société
Outre-Mer, fixation des salaires : Mais si, l'État peut intervenir !
Yves Jego, le secrétaire d'État à l'Outre-mer, répète à chaque interview que «ce n'est pas à l'État à déterminer le montant de salaires ». C'est ainsi qu'il cherche à expliquer son refus de cautionner l'augmentation de 200 euros que réclament les travailleurs guadeloupéens.
Et Jego de faire valoir que l'argent de l'État, celui des impôts, ne doit pas être dilapidé et passer dans les poches des patrons pour compenser l'éventuel effort financier qu'ils feraient en augmentant leurs salariés. Sans doute, mais on peut trouver tardif ce souci des deniers de l'État, de la part d'un gouvernement qui ne ménage pas les subventions - en milliards - à des banquiers qui augmenteront... le confort de leurs actionnaires, et non le salaire de leurs employés !
Mais c'est surtout là une contre-vérité manifeste, qui vise à faire croire à l'indépendance de l'État par rapport au patronat. Car si cette indépendance existe, c'est seulement dans la mesure où l'État n'impose rien aux patrons qui puisse les fâcher, alors qu'il s'empresse d'accéder à leurs désirs. On vient de le voir récemment avec la promesse de suppression de la taxe professionnelle.
Or, en ce qui concerne les salaires, l'État joue son rôle... de frein, sauf quand les travailleurs l'obligent à rectifier le tir. Les ridicules revalorisations du point d'indice proposées en juillet dernier, de 0,8 % en 2009 et peut-être de 0,5 % en 2010 et 2011, servent non seulement à faire des économies sur les salaires des fonctionnaires mais aussi à conforter le patronat dans sa volonté de rester ferme dans ses refus d'augmenter les travailleurs. Il en est de même pour l'augmentation du smic : l'État donne l'exemple aux patrons, toujours prêts à craindre un « effet boule de neige » si le smic augmentait de façon « inconsidérée » selon eux.
Les gouvernements, de gauche comme de droite, ne se sont jamais gênés non plus pour décréter officiellement un blocage des salaires. Juste au sortir de la guerre, le gouvernement tripartite d'union nationale, comportant des ministres socialistes, communistes et de droite, ayant mis de côté les conventions collectives, fixait tous les salaires des ouvriers, y compris dans le privé, et les bloquait au nom des efforts à faire pour la reconstruction du pays.
En juin 1982, le gouvernement socialiste de Pierre Mauroy, comprenant entre autres quatre ministres communistes, annonça le blocage des salaires. Les prix, dont la hausse annuelle dépassait 13 %, étaient censés être bloqués également, mais ils continuèrent évidemment à grimper ; en revanche toutes les clauses d'indexation des salaires sur la hausse du coût de la vie allaient être supprimées. Aujourd'hui encore, les travailleurs en subissent les conséquences, avec des salaires qui ne suivent que de loin l'évolution du coût de la vie.
Les seuls moments où des discussions entre patrons et travailleurs, sous le patronage gouvernemental, ont amené des hausses de salaire, ont été les grands moments de luttes sociales : Juin 1936 et Mai 1968. On voit quelle conclusion on peut en tirer.