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- Lutte ouvrière n°2113
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Dans le monde
Guadeloupe : La grève générale se poursuit et se renforce.
La grève est totale dans toutes les grandes entreprises. Dans d'autres, plus petites comme certaines compagnies d'assurance ou un peu plus grandes comme la BNP, un certain nombre d'employés ont repris le travail, partiellement ou totalement. Dans les banques, seuls ceux de la BFC autour de la CGTG sont en grève totale et permanente. Dans les autres établissements, certains se remettent en grève ou au travail d'un jour à l'autre.
Dans les deux grands centres commerciaux Carrefour des Abymes et Carrefour de Baie-Mahault, les magasins sont fermés pour cause de grève. Les travailleurs de l'EDF sont en grève et procèdent à des coupures tournantes : en gros, deux heures de coupure par jour par rotation géographique. Pour ceux de la Générale des Eaux, le même principe a été adopté.
Une forte mobilisation
Les agents hospitaliers, qui peuvent difficilement faire une grève effective, sont mobilisés. Ils ont dressé une tente devant le CHU de Pointe-à-Pitre et s'y rassemblent après le service minimum et les obligations imposées par les soins à donner aux malades. Ils sont nombreux à se joindre aux manifestations, nombreux à venir aux meetings
Les journalistes et animateurs de RFO ont aussi rejoint la grève générale. Les programmes sont perturbés mais les grévistes ont décidé eux-mêmes de retransmettre en direct les négociations à la télévision.
Toute la zone dite industrielle de Jarry, qui concentre des centaines de petites entreprises et près de 8 000 travailleurs, est quasi morte.
Les transporteurs aussi sont en grève. Il n'y a pas de transports en commun. De toute façon, aucune station d'essence ne fonctionne. Les travailleurs y sont en grève, alliés en l'occurrence aux gérants des stations-service. Personne ne veut l'ouverture de nouvelles stations-service automatisées avec carte de crédit et self-service. Les gérants n'en veulent pas en raison de la concurrence et les travailleurs non plus, pour éviter le risque de licenciement progressif des pompistes et des employés des magasins de ces stations. En effet, en Guadeloupe, ce sont encore les pompistes qui font le service d'essence aux conducteurs et cela concerne des centaines de jeunes travailleurs.
Les enseignants aussi sont en grève. Les lycées, l'université sont fermés, le Rectorat ayant décidé de fermer les établissements sans même attendre les décisions prises par le personnel de chacun. À l'université Antilles-Guyane, les enseignants et ouvriers ont créé un comité de grève. Les examens ont été reportés à une date ultérieure.
Les travailleurs municipaux sont en grève, totalement comme aux Abymes, la plus grande ville de la Guadeloupe, ou partiellement. À Goyave, la grève des municipaux est totale depuis déjà plusieurs semaines, bien avant le début de la grève générale. Dans beaucoup de communes, les bureaux sont fermés.
Il est vrai aussi qu'en raison de la grève des stations, certains travailleurs qui peut-être voudraient reprendre le travail ne le peuvent pas, car ils ne peuvent plus circuler. Mais d'autre part, dans toutes les grandes entreprises, les travailleurs ont reconduit massivement la grève jour après jour dans des assemblées générales et déclarent qu'ils ne reprendront pas le travail tant que les revendications immédiates ne seront pas satisfaites. Lorsque les assemblées générales ne se tiennent pas dans les entreprises, ce sont des centaines de travailleurs rassemblés devant la Mutualité de Pointe-à-Pitre qui votent la reconduite de la grève par acclamation à la demande des représentants du collectif
La vision générale lorsqu'on circule dans l'île, c'est que les journées ressemblent à ce qu'on voit un dimanche : les rues et les routes presque désertes, et tout est fermé.
La « grève marchante »
Le patronat tente de faire croire que, si la grève est générale, c'est parce que des groupes de grévistes portent atteinte à la liberté du travail en menaçant les non-grévistes et en exerçant sur eux une violence particulière. C'est faux !
En réalité, oui, il y a en Guadeloupe une tradition séculaire de « grève marchante », qui vient de la tradition de lutte des ouvriers agricoles de la canne qui marchaient de champ en champ pour discuter avec leurs camarades, seule façon de généraliser le mouvement au sein des « habitations » dispersées. Cette tradition remonterait même aux temps de l'esclavage, où les esclaves circulaient à l'intérieur des champs pour organiser les révoltes.
Il y a donc des groupes de travailleurs qui marchent et passent d'entreprise en entreprise, soit pour expliquer leur mouvement à la minorité qui il y a quelques jours travaillait encore, soit pour vérifier et contrôler comment les choses se passent autour des entreprises en grève. Il s'agit alors d'aller se parler entre grévistes, d'échanger les informations, de réconforter les piquets de grève.
Ainsi, c'est la grande majorité des travailleurs salariés de Guadeloupe qui est engagée dans la grève générale et qui suit les directions syndicales, en particulier UGTG, CGTG,CTU, FO, CFDT, qui forment l'ossature des directions ouvrières du LKP (Lyannaj kont pwofitasyon) et même l'ossature du LKP tout court. Parmi elles, on peut dire que c'est le syndicat nationaliste UGTG qui a la plus forte influence, ensuite la CGTG, ce qui correspond du reste à leur représentation dans le monde du travail en Guadeloupe, dont le dernier baromètre a été les élections prud'homales.
Quant à la population dans son ensemble, elle soutient le mouvement avec une unanimité jamais observée depuis des dizaines d'années. Partout ce ne sont qu'encouragements à ne pas céder sans avoir obtenu satisfaction, en particulier sur le coût de la vie et les salaires. On n'observe pratiquement pas de plaintes contre les coupures de courant et autres gênes occasionnées par la grève générale dans la vie quotidienne. Mais c'est l'inverse plutôt qui apparaît, avec des messages de soutien et d'encouragement aux grévistes.