Suppression des juges d'instruction : Des magistrats aux ordres, c'est tellement mieux07/01/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/01/une2110.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Suppression des juges d'instruction : Des magistrats aux ordres, c'est tellement mieux

Sarkozy devait annoncer mercredi 6 janvier sa nouvelle réforme dans le domaine judiciaire cette fois. Il s'agirait de supprimer le juge d'instruction, suppression à laquelle son ministre Devedjian s'est déjà déclaré favorable.

En fait, en France, une toute petite partie des affaires pénales sont soumises à ce juge d'instruction, seulement 5 % du total. Mais ce sont les affaires " sensibles " : les crimes et certaines grosses affaires politico-financières. Ces juges d'instruction sont des magistrats que l'on dit " indépendants ", car ils ne sont pas directement soumis au ministère de la Justice. L'indépendance est toute relative évidemment, car les juges sont tous sélectionnés et formés dans un certain moule. Mais, ces vingt dernières années, certains juges d'instruction ont tout de même donné quelques frayeurs à un monde qui se croyait au-dessus des lois.

Des patrons de grandes entreprises, des responsables de la droite et du PS, qui se croyaient tous intouchables, ont ainsi été mis en examen et condamnés suite aux poursuites diligentées par ces juges d'instruction. Y compris quand leurs amis étaient au gouvernement. Juppé, Le Floch-Prigent, Emmanuelli, Dumas en ont fait l'expérience et on ne compte plus les politiques et les hommes d'affaires qui ont été poursuivis et même condamnés à de la prison pour certains, suite aux poursuites de ces juges d'instruction. Certaines affaires n'ont toujours pas connu leur épilogue : les affaires de la mairie de Paris avec Chirac inquiété pendant qu'il était chef de l'État, l'Angolagate avec dans les rôles principaux côté français, Charles Pasqua, Jacques Attali et Jean-Christophe Mitterrand, les dossiers de corruption dans les affaires avec l'Irak et l'Iran où le patron de Total, Christophe de Margerie, a été mis en examen.

L'incompétence du juge d'instruction de l'affaire d'Outreau, et les abus de quelques autres, sont les raisons mises en avant pour justifier une énième " réforme ". Mais ce sont sans doute bien plus ces affaires politico-financières génantes qui la motivent. Dorénavant, toutes les affaires pénales seraient confiées au parquet, c'est-à-dire à des magistrats officiellement aux ordres, car dépendant directement du ministre de la Justice et du gouvernement. Même l'Union syndicale des magistrats, syndicat majoritaire et nettement de droite s'indigne du projet : " Il s'agit de venger les hommes politiques d'actions positives des juges d'instruction dans les années 1980 et 1990 dans les affaires de corruption. C'est une reprise en main totale de la procédure pénale par un parquet à la main du pouvoir. Avec ce système, on est certain qu'il n'y aura plus jamais d'affaires économico-politiques " a déclaré son président. Et pour certains magistrats, cette réforme serait aussi et surtout encore un moyen de faire des économies sur le budget de la justice.

Il est vrai qu'on annonce aussi que les droits de la défense seraient élargis. Cela vaut sans doute surtout comme un moyen de faire passer la pilule. En fait d'élargissement, il ne s'agirait que de présenter, plus tôt qu'actuellement, le dossier de l'affaire à l'avocat de la personne mise en examen. Mais en fait, cette réforme se ferait en renforçant le caractère de classe de la justice car, si le " juge de l'instruction " qui devrait remplacer l'actuel juge d'instruction n'instruit plus " à charge et à décharge ", cela signifie que les justiciables devront faire rechercher les preuves de leur innocence par des enquêteurs privés, qui ne travailleront évidemment pas pour la gloire. C'est ce qui se passe dans le système judiciaire américain, qui bat des records en matière d'erreurs judiciaires touchant les plus pauvres.

Voilà comment la suppression du juge d'instruction instaurerait une justice encore plus injuste et permettrait de mettre l'appareil judiciaire entièrement aux ordres du pouvoir, en tout cas encore plus qu'il ne l'est actuellement.

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